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Vingt francs c'est vingt francs. T'as déjà un vrai billet , pour vingt francs ,  avec la gueule d'une célébrité. Tu nourris un clochard un mois , si , t'es pas manchot. Et puis quand on est môme et qu'on s'est crevé sang et eau paillasse , on veut pas se les faire ni par la société. chacun son fric .
  Et quand on est nègre,alors j'te dis pas.
  Et quand on sort d'une institution publique où on veut pas retourer, c'est juré ! On serre les dents comme un rat. On lâche pas son fric.
Ce soir tiendra parole.
Mademoiselle Irsch elle payait Charlie des clopinettes , mais Charlie s'en foutait. clopinette après clopinette , le pognon devient pognon. Il finirait par l'avoir son habit rouge de basketteur amerloque , et plus tard le survêtement qui fais huit cents francs moins la réduction du collège au supermarché des Olympes. si bien qu'il allait tous les lundis soir galérer chez Mademoiselle Irsch , après la classe , et le boulot d'une fois sur l'autre étais toujours aussi chiant mais il ne variait pas. Et lui , sans ronchonner , il abattait les besogne ingrate : astiquer les poignées de cuivre et couverts en argent , épousseter les moutons sous les meubles où la femme de ménage ne fourre jamais son nez , brancher les tappettez à souris , émietter les croûtons pour les piafs , descendre les poubelles. Mademoiselle Irsch elle était aveugle du troisième âge et elle se rendait compte au toucher si les poignées étaient bien frottées , si les couverts brillaient , s'il avait tout rangé dans les bons casiers du bahut. Et comme elle ne savait plus à quel saint se vouer pour lui trouver ses vingts francs de boulot , elle avait ressorti d'un carton les soldats miniatures de Napoléon , qui dataient d'une époque où le café Mio les mettait à l'œil dans ses paquets moulus.

Quand il s'emmerdait trop à les peindre , en respectant les documents , et que ça débordait sur le feutre vert de la table de bridge , Charlie serrait aussi les dents comme un rat. C'etais grâce à Napoléon qu'il aurait sa tenue de basketteur amerloque. Grâce à tous ses petits soldats. Grâce au organisateurs du café Mio. Grâce à tous ces gens-là qu'il pourrait soupeser un jour les nibards de Rita , la serveuse de la librairie le monde et ses publications. Et fallait pas oublier Mll Irsch qui voyait rien et qui voyait tout , comme une aveugle extraterrestre .      Et même quand il avait les boules , elle le vouait.
   Au pavillon ça les trouait , les vingts francs du lundi soir , excepté Monsieur Bob qui cachait bien sin jeu devant la télé .      Charlie devait payer à Mado l'autorisation d'aller galérer chez Mll Irsch , et il coupait la poire en deux tous les lundis .      Dix francs pour lui dix francs pour elle .      Avec les dix francs , ça dépendait .      Quand elle ne titillait pas les milliards du loto , elle soufflait un ou deux ballon de sylvaner au comptoir et ça la rendait bourrée pour un moment.      Ensuite elle chialait plus encore qu'elle n'avait bu .      les autres dix francs , Charlie les mettait sur son livret a d'ecurreuil junior .      Elle disait qu'elle serait riche avant lui, et côté richesse il n'en doutait pas.
Il la prenait déjà pour un sac à poivre , à l'institution.
Il pensait qu'en France on ne peut pas adopter un noir , ou un blême , si l'on n'a pas des millions sur son livret d'écureuil du troisième âge.
C'est ce qu'il disent , à l'institution , les Monos .
Les gens qui vous adoptent ils en ont plein les poches : ils ont des maisons , des chauffeurs , des lévriers afghans , des serveuses à nibars gratuits , la télé couleur dans les toilettes , ils ont des jeux électroniques américain mieux qu'au Malibu-vidéos , mais ils n'ont pas d'enfant malgré les attouchements et pénétrations.
Le tout c'est d'être adopté par les sacs à poivre .
Un orphelin sur trois cent mille , et les plus durs à caser c'est les noirs.
A cause de l'épidémie sexuelle et du racisme ambiant.
Il n'avait pas dix ans depuis sept jours , Charlie : dix ans d'institution publique et dix ans sur les bougies , quand les sacs l'avaient choisi .
Il s'attendait à une vrai maman : il avait Mado .      A une chambre : il avait un sous-sol aménagé qui sentait la résine.
Une bagnol ? Il avait Ferblantine , la 4L .
Un chauffeur ? Mado conduisait.
Faut dire qu'un chauffeur au volant d'une caisse aussi pourrie , ça n'aurait pas fait sérieux  , même un Noir.
Une maison ? Il en avait aussi .
En banlieue , chez sa mère , on disait : pavillon.
C'est moins riche qu'une maison , ça sent pas si bon , mais il y a quand même la télé couleur et dans les toilettes on entend tout.
Son père était un ancien pompier qui n'ôtait jamais sa casquette de pêcheur , et pareil devant la télé.
Tout le monde lui disait monsieur Bob.
Il disait fiston à Charlie.
A table il posait sa main sur celle du garçon , et si Mado rouspétait , il retirait sa main .
Sans doute qu'il se brûlait .
Il la remettait quand c'était fini .
Sauf Éric , le skinhead , Charlie , pendant les dix ans tout sauf poivre ils en ont pas.
Un vrai fils de dix-huit ans .
Pas un enfant d'institution , pas un Noir du Zaïre : un blanc , un blême.
Plus rose que blanc , d'ailleurs , surtout l'hiver.
Avec un prénom trafiqué.
Érik au lieu d'Éric , le seule mot qu'il écrivait sans faute , le skin.
Éric , ça fait pavillonnaire et tristounet , ça fait fils de monsieur Bob et Mado , ça fait magasinier du Franprix , ça lui ressemble trop.
Érik : ça fait Malibu-vidéos , skinhead justicier du groupe Zyklon , ça fait presque inventeur autrichien du Glock 17 , le flingue anti-métèque des policiers municipaux qu'il essayait d'avoir par son réseau secret.
Éric , ça fait canne à pêche , Érik ça fait Glock.
Et surtout ça fait pas frère de Charlie , le règne adoptif de l'institution.

Le premier jour qu'ils s'étaient vus , le skin boitait. Il avait une béquille et le bras tenait avec une écharpe autour du cou. C'était pas vraiment sa faute , il était tombé de Mobylette en voulant renverser un indésirable de la cité des Mésanges. On distinguait du premier coup qu'il était maigre à faire peur , y compris les oreilles décollées , les doigts serrés comme les marionnettes et une gueule de méchant guignol avec les yeux à plat tout luisants , passés à l'huile de vidange. au centre ils étaient bleus mais fallait s'approcher toit près. Pour accueillir Charlie , il avait bardé son blouson vert d'insignes de reconnaissance entre skins. Et par-derrière son pantalon flottait sur des fesses de vieille fille. Il avait des chaînettes aux fesses , pour attacher son peigne et son portefeuille et une chaînette à l'avant pour le zizi. Et ça flanquait les foies un tel attirail sur un skin aussi maigre , un peu comme un couteau dans un étui géant. De couteau , par ailleurs ,il en avait un nazi qui n'était plus réglementaire du fait des contrôles dans le métro , et il avait une baïonnette atomique en chaleur , reconnue pour ses blessures cruciformes qui ne cicatrisaient pas , surtout si tu rajoutais du sucre dans la plaie. La baïonnette il ne la sortait plus du pavillon , mais le couteau nazi il l'emmenait sous son bras dans les boîtes et dans les bals où ça craint vilain côté métèques.
Lui aussi , les vingt francs de Mlle Irsch gagnés par Charlie , il les voulait...

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 02, 2018 ⏰

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