Quand Big Ben sonnera minuit.

Chapitre 1

« Léon ! » Hurlais-je pour la douzième fois de la journée.

«  Qu'est-ce qui se passe sorcière ? »

    Je claquais la porte du réfrigérateur avec colère. 

« Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça sale matou ! Si tu manges encore une fois mes nouilles, tu finis chat de gouttière c'est compris ! »

    L'énorme boule de poils rousse parlante dont j'avais hérité de ma grand-mère était d'une insolence insupportable et j'étais à deux doigts de le foutre dans la cheminée. 

    Déjà trois mois que la maison de mamie Tina était la mienne. Certaines vieilleries avaient été vendues dans trois vides greniers différents, mais il me restait encore de gros travaux à faire avant de me sentir définitivement chez moi. Les tapisseries florales n'étaient clairement pas à mon goût, la moquette dans les trois chambres et dans le bureau à l'étage non plus. Malheureusement, je n'avais pas l'argent pour employer quelqu'un pour le faire, et je n'avais que deux mains. J'aurai pu utiliser la magie pour accélérer les choses mais... C'était la maison de grand-mère. C'était ses souvenirs, ses babioles et sa vie que contenaient ces murs. Il allait me falloir du temps pour dire adieu. 

« C'est quoi le menu de ce soir ? » Entendis-je derrière mon dos.

« C'est une blague j'espère. Tu manges ma nourriture,  tu passes ton temps à me raconter des histoires ridicules, à me taper sur le système et tu voudrais en plus que je te prépare à dîner ? »

« Tina le faisait bien » Répondit Léon d'un ton désinvolte.

    Un pincement au cœur me fit monter les larmes aux yeux en évoquant celle qui m'avait pratiquement élevé. Je bus une longue gorgée de vin blanc avant de récupérer mon plat tout préparé dans le micro-ondes. 

« Je suis loin d'être comme elle, alors tu vas me faire plaisir, et tu vas utiliser tes petites pattes pour te préparer quelque chose tout seul. »

    Un miaulement plaintif se fit entendre avant même que je ne puisse franchir la porte mais je ne cédais pas. Je posais la barquette en plastique encore chaude sur la table basse avant de m'installer confortablement devant la télévision. Moins d'une bouché plus tard j'entendis toquer. Personne n'étais jamais venu sonner depuis que j'habitais ici, je comptais donc laisser tomber et retourner à mon dîner mais je vis Leon traverser la pièce à toute vitesse en hurlant « ÇA SONNE ET C'EST UN HUMAIN ». 

    J'étais peut-être pas très douce avec lui mais je n'étais pas méchante au point de le faire traverser la maison de toute part pour se planquer pour rien. Je soufflais longuement avant de quitter à regret mon magnifique Mac and Cheese industriel. 

    La lumière dans l'entrée était déjà allumée, tout comme celle du porche. Il y avait bien quelqu'un et, à en juger par la silhouette que j'apercevais par les vitraux colorés mon visiteur était un foutu géant. Tout comme pour faire bonne impression, la poignée de cette foutue porte resta bloquée et je dus la secouer dans tous les sens avant de l'ouvrir avec fracas. 

    L'homme faisait effectivement facilement vingt centimètres de plus que moi malgré mes bottines à talons. Il avait des cheveux bouclés coupés plutôt courts, des yeux bleu gris, un nez long et droit, des lèvres pleines et d'adorables taches de rousseurs. Il était... Tout à fait à mon goût. 

« Athéna Cromwell. Je cherche Athéna Cromwell. » 

« Tina n'est plus là. » Je venais de lâcher l'euphémisme le plus vieux du monde mais je trouvais ça sacrement grossié de ma part de lui annoncer qu'elle était morte de but en blanc.