Le Cœur Au Nord

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6h50. Le réveil sonne le début de la semaine. Mathilde se réveille, ses rêves encore frais dans son esprit. Très vite, c'est avec frustration de devoir obéir à son réveil, qu'elle se lève machinalement vers la cuisine ou l'attendent ses parents pour prendre le petit-déjeuner. Ce rituel, c'est une routine depuis ses 8 ans, année où elle a été adoptée par ceux qu'elle considère aujourd'hui comme sa famille. Malgré son adolescence, jamais l'envie de connaitre ses parents d'origine ne lui avait effleurée l'esprit. Cela était surement dû à la gentillesse de ses parents adoptifs, qui ont toujours fait en sorte de la gâter de tant de cadeaux, et de lui autoriser de nombreuses libertés. Mais ces petites attentions n'ont pourtant jamais remplacé la solitude qu'elle endure au quotidien à cause de parents trop occupés par leur travail. Tous deux sont responsables d'une célèbre chaîne d'hôtels de luxe, leur demandant un effort de disponibilité au quotidien, même durant les vacances. Alors, ce petit-déjeuner est le seul moment de la journée où Mathilde peut profiter d'eux, sans que leur conversation ne soit déviée par un appel téléphonique, ou un problème d'un client mécontent. Cependant, il y a quelques semaines, elle aurait aimé qu'un appel vienne interrompre leur conversation. En effet, ce jour-là, elle apprit l'ouverture très prochaine d'une nouvelle chaîne d'hôtels, à leur nom, au Canada. Cependant, ce déménagement, prévu dans quelques semaines, ne plait pas du tout à la jeune lycéenne, l'obligeant à se séparer de son quartier parisien, ces amis, ces habitudes... Mais ce qu'elle redoute le plus, c'est la distance qui la séparera d'Aden, ce jeune homme qui lui a permis d'atténuer sa vie solitaire qu'elle subit. Il ne fallut pas plus de deux semaines pour que tous deux se mettent ensemble, relation notamment possible par le fait de leur voisinage et leur lycée en commun. De par sa fenêtre, Mathilde peut entrevoir la chambre d'Aden, situé de l'autre côté de la route, et quelques mètres plus loin, se situe le parc où ils ont échangé leur premier baiser. Son quartier, Mathilde y est attachée, car chaque endroit renferme une part de son histoire : la boulangerie au bout de sa rue, son lycée à quelques mètres, les quelques boutiques, qui lui font passer le temps quand elle s'ennuie, ou même l'hôpital ou elle est née, situé dans la même direction que la maison d'Aden, vont lui manquer. L'une de ses occupations favorites est d'observer les hélicoptères des urgences se poser derrière la maison d'Aden, avec un bruit faisant fuir tous les oiseaux du parc.

6h50. Le réveil sonne le début de la semaine, dernière semaine avant le grand voyage, prévu vendredi après les cours. Mathilde se lève, prête à profiter de ses derniers moments à Paris. Elle arrive jusqu'à la cuisine, et avec étonnement, découvre que la pièce est vide. Posé sur le rebord de la table, un post-it d'une écriture saccadée mentionne : "urgence boulot. Peux-tu ranger le grenier ce soir ?".

Soupirant, Mathilde prépare donc son petit-déjeuner, et s'assoit, seule, à la table.

16h00. La fin de la journée au lycée. Mathilde, pensive tout le long du cours de français, semble distraite. Aden semble distant. Elle s'inquiète d'être de nouveau abandonnée, comme ses parents d'origine l'ont fait.

16h15. De retour chez elle, le post-it, n'ayant pas bougé, et la même vaisselle toujours présente dans le lavabo, Mathilde en conclut que ses parents ne sont pas rentrés. Avant de ranger le grenier, elle prend soin d'envoyer un message à Aden, s'assurant toujours de ses attentions envers elle. Le grenier, situé dans les combles de la maison, est la dernière pièce ou les cartons ne sont pas prêts. Les autres pièces, sans vie, sont vides d'âme et de meubles. Mathilde rentre dans le grenier, ou seule une petite lucarne laisse passer un faisceau de lumière. Au plafond, elle pouvait apercevoir de nombreuses toiles d'araignée qui pendaient des poutres en bois, et les courants d'air de l'extérieur la firent transir. Elle avança malgré le plancher craquant sous ses pas, jusqu'au au fond du grenier, ou quelques bibelots s'y trouvaient. Mathilde commence à les trier, retrouvant avec plaisir, quelques-uns de ses dessins d'enfance et anciens jouets. Au fond d'une caisse, elle aperçoit un objet, inconnu à ses yeux, et le sort pour mieux l'observer. Elle en tire une boite, qui laisse entrevoir une gravure sous la poussière qui la tapisse. Il y est gravé une date : sa date de naissance. Elle s'empresse de l'ouvrir et découvre son bracelet de naissance, portant la lettre X, suivie de son ancien prénom qui fut choisi par une sage-femme. Ses parents adoptifs firent le choix de la renommer, afin qu'ils reproduisent le plus possible, une famille normale. Elle trouva également de nombreux papiers de naissance, et au milieu d'eux, une photo glissa, et tomba à ses pieds : deux bébés s'y trouvent, côte à côte dans des berceaux de maternité, portant à leur poignet un bracelet rose. Mais elle n'y fit guère attention, s'affirmant qu'elle n'avait pas d'importance, et sortit le dernier objet de la boite : une boussole. La boussole scintillait d'éclats dorés, et de détails minutieux. Elle l'ouvrit, pour y admirer l'intérieur. Cependant, c'est avec stupéfaction qu'elle remarqua qu'elle ne pointait pas le nord. Mathilde fit quelques pas sur le plancher grinçant, mais l'aiguille resta face à une même direction, qui n'était pas le point cardinal habituel.

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