prologue

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N'avez-vous jamais ressenti cette sensation. Cette boule au ventre qui se manifeste sans crier garde. Ce sentiment qui pressent qu'une tragédie s'est produite, et que rien ne pourra arrêter le funeste destin de se produire.

Eva ne l'avait jamais ressenti auparavant, cette frayeur qui la réveille chaque nuit. Mais, par expérience, elle a réalisé qu'il y avait vraiment un début à tout.

Le souffle court, les mèches de cheveux collées au front, et la peur qui lui ronge chaque parcelle de peau claire qui recouvre son squelette. Ce spectacle était devenu quotidien. Ses hantises prenaient forme la nuit et causaient cauchemars et autres terreurs nocturnes. Désormais, son effroi de voir disparaître ses proches les uns après les autres hantait ses nuits.


La disparition de Joyce Ivernoy l'a vraiment affecté. Elle se comprenait, l'une et l'autre.


Même si cela fait peu de temps que la ville est sans nouvelles, cette sensation de vide, elle, lui paraît grandir chaque jour un peu plus. Cette dernière ne va d'ailleurs pas tarder à engloutir Eva et l'enfoncer au plus profond des ténèbres. Dans l'immensité sombre, elle voguera sans but précis, à la recherche d'un ancrage auquel se retenir.


Deux semaines seulement et les posters avec le visage anguleux de la disparue se font peu à peu recouvrir par des affiches quelconques et sans autre intérêt qu'exposer la détresse de la ville sur la fadeur de ses activités hivernales.

Deux semaines seulement et chaque habitant de Camves a déjà oublié comment conjuguer le présent à l'évocation de son prénom. Cette infection semble gagner sa meilleure amie, et l'effraie, car cela signifierait qu'elle accepte qu'elle soit partie à tout jamais. Et Eva refuse de s'y résigner.


Des recherches ont été menées vers les quelques arbres qui se rassemblent en la forêt tout près d'ici. Eva y a d'ailleurs participé. Mais les efforts ont été vains car pas une seule trace de son acolyte dans les alentours ne fut relevée.


Tout semblait montrer que Joyce Ivernoy avait décidé de fuguer.


Son corps s'était tout bonnement volatilisé un soir pluvieux de fin d'automne, là où les journées se font plus courtes et le froid de l'hiver plus présent. A force d'essayer de rassembler tous les morceaux, les détails de cette nuit-là étaient clairs et précis dans l'esprit pourtant embrumé de l'adolescente.


Adossée à sa fenêtre, elle lisait tranquillement comme tous les soirs. Ces derniers temps, Eva remarquait que durant ces courts moments de liberté intellectuelle, son esprit divaguait de plus en plus vers des pensées sans aucun rapport avec les romans qu'elle dévorait sans ménagement. 

Ces veillées nocturnes la rendaient nostalgique des années passées à rester debout jusqu'à tard le soir. La jeune fille alla à ses pensées les plus profondes et son regard se dirigea instinctivement vers la maison d'à côté, et plus exactement vers la fenêtre se situant à la même hauteur que la sienne.

Quand Joyce Ivernoy avait emménagé dans la maison d'à côté, les deux enfants s'étaient très vite appréciées. Dès lors qu'elles ont réalisé que leurs fenêtres étaient en face, elles ont développé des techniques assez singulières afin de communiquer. Ainsi toutes leurs après-midis étaient consacrés à se balader dans le quartier et à s'imaginer héroïnes de fabuleuses aventures. Et le soir, elles se donnaient rendez-vous à leurs fenêtres respectives et discutaient de tout et de rien jusqu'à ce que l'une des deux s'écroulent de sommeil. La première fois qu'elles se sont fait repérées, elles se sont mises d'accord et ont décidé d'écrire sur leurs ardoises de l'école afin d'échanger. Néanmoins elles ont très vite abandonné l'idée, car ces deux filles de 11 ans ne réalisaient pas que ça le temps que ça leur prendrait et le nombre de choses qu'elles avaient à se dire.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 14, 2020 ⏰

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