« On va bien s'amuser »

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Dans un recoin de son microprocesseur, enfoui dans les circonvolutions de pistes magnétiques et de circuits intégrés, un signal s'était déclenché, réveillant les capacités programmées de l'animoïd. Un flot d'informations afflua jusqu'au cerveau électronique, y fut traité et enregistré.
En réponse aux stimulus visuels et sonores, la machine émit le message préprogrammé pour l'occasion. La gueule du robot-singe s'entrouvrit et, imitant les mouvements de mâchoires associés à l'élocution, réitéra alors, d'une voix synthétisée par un larynx artificiel et pourtant étrangement humaine, sa première parole.
— Bonjour, je m'appelle Cheet@ et je suis ton nouvel ami. Quel est ton nom?
Surpris, Théo resta bouche bée.
— Bonjour, je m'appelle Cheet@et je suis ton nouvel ami. Quel est ton nom? répéta mot pour mot le robot.
Stéphane dut venir au secours de Théo, toujours muet.
— Sa mémoire de base contient quelques phrases-clés pour briser la glace, avant qu'il puisse évoluer vers un langage plus élaboré.
Théo remarqua qu'une lumière rouge n'avait cessé de clignoter dans les yeux du singe, tout le temps que Stéphane parlait.
Cheet@ n'a pas bien compris la réponse, reprit le robot. Quel est ton nom?
— Il ne reconnait pas la réponse à sa question, parmi toutes celles qui lui ont été associées. Réponds-lui, sinon il va répéter son message en boucle jusqu'à épuisement de la batterie!
Théo se sentait toujours gêné de communiquer avec une machine.
— Bonjour, je m'appelle Cheet@ et je suis t...
— Heu... Théo, articula enfin le garçon pour couper court.
— Bonjour, Euthéo, enchaina Cheet@. Je suis ton nouvel ami pour la vie. Je sens qu'on va bien s'amuser, Euthéo.
Stéphane se frappa le front du plat de la main.
— Évite les «heu...» et les «ben...», il les assimile à des mots. Bon, je modifierai ça plus tard. Quand est-ce qu'on mange, Corinne?
— Pas avant deux heures...
— Parfait, juste le temps d'effectuer quelques réglages. Tu me montres ta chambre, Théo?
Du coup, Stéphane eut droit à la visite protocolaire de toute la maison, rénovée par son beau-frère qui ne lui épargna aucun détail des derniers travaux entrepris. Stéphane ponctua chacun des commentaires d'un borborygme poli puis, arrivé au seuil de la chambre de Théo, dit de manière un peu abrupte:
— Bon, désolé, Théo et moi, on a du travail. Je vous le rends tout à l'heure.
Stéphane, grimaçant avec des airs de conspirateur, referma la porte au nez des parents de Théo et entraina aussitôt ce dernier vers l'ordinateur.
— D'abord, installer le logiciel.
Pendant que son oncle insérait le CD d'installation dans le lecteur, Théo fouillait l'emballage.
— Je ne trouve pas le mode d'emploi,
dit-il.
— Pour quoi faire? répliqua Stéphane. Le mode d'emploi, c'est pour les nuls. Et puis, Cheet@ est d'un fonctionnement simple et intuitif: sa puce ne comporte que les informations de base qui lui servent à démarrer. Pour le reste, il va «s'apprendre» tout seul.
Pendant qu'il procédait à l'installation des logiciels, Stéphane expliqua comment, grâce à des capteurs audio, vidéo et sensoriels, Cheet@ allait évoluer en fonction de son environnement, avec l'aide de Théo en particulier, lequel serait chargé de trans- férer sur le disque dur de son ordinateur toutes les informations enregistrées dans la mémoire vive de son animoïd.
— Mais ça va prendre des années!
— Non, car Cheet @ possède déjà une intelligence artificielle très avancée, avec des millions de connexions disponibles. Et le plus beau, c'est qu'il ne sera pas seul à apprendre. Grâce à Internet, il sera relié à tous les robots de sa génération et partagé avec eux ses données. Ses connaissances vont augmenter de manière exponentielle!
Visiblement, Stéphane se prenait encore plus au jeu que son neveu. Quand Corinne vint frapper à la porte, il était toujours rivé à l'écran de l'ordinateur, alors que Théo, tenaillé par la faim, avait depuis longtemps décroché.
Dans le salon, son père trépignait d'impatience et son troisième porto. Stéphane huma avec un plaisir évident le fumet s'échappant de la cuisine.
— Hum ... Un vrai bon plat chez nous .. ça va me changer de la cuisine macrobiotique. C'est la dernière mode à San Francisco. Vous connaissez?
— Comment des ploucs comme nous pourraient-ils connaître la dernière mode de San Francisco? grommela Serge. Maintenant qu'il est établi qu'il n'y a pas de macrobiotique au menu, est-ce qu'on pourrait enfin goûter à ce « vrai bon plat de chez nous » qui, entre parenthèses, n'attendait que toi ?
Comme entrée en matière, on pouvait rêver mieux.
Le reste de repas fut à l'avenant, assaisonné de petites piques
aigres-douces que Stéphane sembla ignorer, lancé dans le récit détailler de sa vie à San Francisco. Théo, lui, était tout oreilles. Lorsque Stéphane, au dessert, proposa de sortir sa guitare, Serge prétexta un paquet de copies à corriger.
Pendant que les adultes vaquaient à leurs occupations vespérales, Théo retrouva sa chambre et la compagnie de son robot. Il essaye de lire au lit mais le regard adent de l'animoïd pesait sur lui d'une manière qui troublait. On eut dit qu'il épiait ses moindres gestes, guettait la moindre parole. Théo se releva pour mettre en veille, de trois petites tapes sur l'interrupteur tactile, comme le lui avait expliqué Stéphane.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 07, 2019 ⏰

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Cheet@un nouveau dans la famille !!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant