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Eloïse était née au milieu des porcs, de gros cochons roses gardés derrière une grange. Ils avaient simplement continuer de couiner quand sa mère mordait dans un bâton en lui donnant secrètement la vie. La grange était celle des Sous-La-Givre, des fermiers d'une condition plutôt confortable, très pieux et à la morale sacrée. Des qu'Eloise leur avait été présentée, elle et sa mère, la fille cadette des Sous-La-Givre, avaient été mise à la porte, reniées à tout jamais.
Eloïse n'eut donc jamais l'occasion de copiner avec les porcs de ses grands parents. Ni avec le coq de la petite cour, ni avec le cheval de trait dans la prairie, ni avec les lapins dans leurs clapiers. À la place, elle rencontra les orphelins de Trois-Brasses, les étudiantes de Sainte-Minerve, et les marins du port de Bordevin, sans jamais savoir que, si les premiers porcs qu'elle avait rencontrés avaient été ceux de sa naissance, le premier qui allait faire véritablement attention à elle serait monsieur Letôt.
L'homme était petit, même s'il lui paraissait immense à elle. Il portait des lunettes en demi-lune, un chapeau me lon et une queue de pie ; il était notaire. C'est lui qui fut chargé de les jeter, elle et sa mère, dans la rue alors qu'elle n'avait encore que treize ans. Elles vivaient alors dans une bâtisse abandonnée et se nourrissaient en volant les œufs de la femme du cordonnier, leur voisin.
Monsieur Letôt venait de discuter longuement avec sa mère autour d'une tasse de mauvais thé froid dans la petite cuisine délabrée, il était sorti dans le jardin où Eloïse jouait avec des bâtons qui figuraient des personnages. Ce fut le jour où Eloise comprit que les deux tâches brunes sur son torse pouvait attirer les hommes. Ce fut trois ans plus tard, qu'elle observa la même attirance de leur part pour son entre-jambe.

Elle avait seize ans, elle avait déménagé avec sa mère vers la ville et travaillait tous les soirs dans un pub. Officiellement, elle était serveuse et était payée comme telle. Mais dans les faits, c'est elle qui se tenait derrière le bar, Freddie qui était sensé s'en chargé était toujours couché dans un coin mort soûl, et son père, le tenancier du pub le laissait faire. Ça ne dérangeait personne qu'elle gère le bar, elle faisait ça mieux que personne et les hommes lui laissaient toujours des pourboires à la hauteur de sa beauté et de ses talents de barman. Ses boucles brunes et frivoles qui encadraient son visage pâle et lisse et ses yeux verts pétillants charmaient même les plus myopes des plus vieux consommateurs.

Un soir, il ne restait alors que deux soûlards avachis sur une table au fond de la salle, Freddie, qui n'était miraculeusement pas complètement abreuvé, l'avait rejointe derrière le bar. Eloïse était penchée sur l'évier au-dessus duquel elle essuyait une vingtaine de verres sales avec un essuie plus sale encore que les verres eux-mêmes. La tâche lui revenait tous les soirs, ensuite elle était libre de rentrer dans le minuscule appartement qu'elle partageait avec sa mère.

L'ascensionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant