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Histoire : Si je reste...

Chapitre : 2.

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Nous venions d'enterrer ma mère. Cette femme si pudique, si douce et toujours souriante. Mais bon Dieu pourquoi je n'arrive pas à pleurer alors que mon cœur saigne. Comment ai-je pu laisser des inconnus approcher le corps de ma mère, la mettre sous terre et rebrousser chemin ? Comment ?

À vrai dire je n'avais pas le courage de le faire moi-même quand il le fallait. Je n'arrive pas à croire qu'elle n'est plus là.

Quand on l'a mise sous terre, là j'ai pris conscience que Maman ne reviendrait plus. J'ai compris que plus jamais personne ne me répondrait quand j'appellerai ''Maman''. J'ai compris plein de choses que je n'arrive toujours pas à accepter et que je n'accepterai sans doute jamais.

Moi aussi j'ai tourné le dos quand on a fini, deux hommes que je ne connaissais même pas m'ont pris par les épaules pour me relever de la tombe où j'étais agenouillée et m'ont dit : Sois fort.

Je me suis levé et j'ai marché.

À la sortie des cimetières, j'ai serré des mains, beaucoup de mains, de personnes connues ou inconnues venues compatir à ma douleur.

Ma douleur !

Une douleur que jusqu'ici je n'ai pas encore ressentie. Je n'ai pas vraiment eu le temps d'être triste depuis que l'on a quitté la morgue de l'hôpital avec mes oncles hier.

Ça fait deux jours que j'ai les mêmes vêtements mais je pense que même ma femme ne l'a pas remarqué. Elle qui d'habitude accorde un soin particulier à mon accoutrement.

Il faut croire que ce n'est pas le moment.

De retour à la maison, un monde fou nous accueillait. De son vivant ma mère n'avait pas beaucoup d'amis, elle ne sortait pas beaucoup aussi. J'imagine que tout ces gens étaient juste là par accident ou vraiment par compassion.

Là aussi j'ai serré des mains et reçu mes condoléances les plus attristées comme ils me l'ont soufflé à l'oreille avec quelques fois des billets de banque que je glissais dans ma poche furtivement sans compter.

Me faufilant entre les rangées j'ai remarqué des femmes pleurer à s'en fendre les reins, j'étais dépassé et me disait qu'elles devaient beaucoup tenir à ma mère. Ça m'avait touché un moment bien que je me disais qu'elles abusaient un peu quand-même.

J'ai appris que c'étaient les deux sœurs de ma mère que je n'avais pas revu depuis mon mariage, il y'a deux ans. Durant toute la maladie de ma mère, elles étaient abonnées absentes et aujourd'hui elles ont cotisé pour payer un bœuf pour l'occasion, pour leur '' sœur bien aimée''.

Elles étaient venues avec leur délégation, composés de leurs amies et collègues. Des gens bien habillés, parfumés à outrance, lunettes noires aux visages, parés de bijoux de valeur, feignant la compassion. Mon dégoût était au summum.

Je ne voulais pas me donner en spectacle, pas aujourd'hui. Je cherchais ma femme du regard inlassablement, je n'avais plus qu'elle au monde désormais à part mes frangins.

J'étais simplement dégouté par tout ce que je voyais. Voir mes tantes se donner en spectacle en ce jour de deuil m'est juste insupportable. Où étaient-elles quand ma mère souffrait, faisait des vas et viens entre l'hôpital et la maison pour ses séances de chimio, quand elle se battait contre un cancer du sein, quand j'ai réellement tiré la sonnette d'alarme pour demander qu'on m'appuie financièrement pour soigner ma mère. Où étaient-elles pendant tout ce temps. Et pourtant je suis allé les saluer mais à peine je les ai approché que ma tante me lance :

- Je n'ai rien à te donner aujourd'hui Mignane. Tu ne fais que demander de l'argent, puisque notre sœur est morte tu devrais arrêter de demander partout de l'argent en son nom. Tchimmm

- Niak diom rek tchimmm ( Aucune vergogne ) renchérit ma deuxième tantes.

Et mon frère d'ajouter :

- Mes tantes s'il vous plaît, pas aujourd'hui.

J'avais les tripes en feu, la colère s'était tellement emparé de moi que je réfléchissais plus. Je ne sais quelle force m'avait poussait à ne pas réagir et de tourner les talons.

Je voulais juste les saluer, quelle belle erreur .

J'ai pris soin de mes sœurs et de ma femme, tout seul comme un homme. Je ne connais pas le repos et aujourd'hui ce sont elles qui jouent aux éplorées.

Mes tantes faisaient une liste et y noter les noms de toutes les personnes qui leur donnaient le fameux ''Diakhal'' (Somme d'argent) ainsi que la somme pour sûrement savoir qui rembourser si un jour cette personne aussi aurait un deuil.

C'est scandaleux ! Comment en sommes nous arriver là ? Ce goût de l'argent, cet amour du bas monde.

Pour m'occuper et ne plus les regarder je suis allé chercher des rafraîchissements au marché pour les invités, la chaleur étaient insoutenable. Au fil des jours je vidais mes poches, il fallait chaque jour débourser des sommes pour offrir un repas et des boissons aux invités. Je n'en pouvais plus au bout de 3 jours.

Les gens commençaient alors à vider la maison peu à peu jusqu'à disparaître complètement. J'étais de nouveau seul avec mes sœurs. Même mon frère n'était plus là.

Et c'est à ce moment que j'ai personnellement commencé à faire mon deuil. J'avais la tête complètement retournée et la nuit aulieu de rassurer mon épouse, c'est moi qui me blotissais dans ses bras, c'est moi qui posait ma tête sur ses cuisses pour pleurer tel un enfant et c'est moi qui me plaignais de ne plus avoir ma maman au près de moi alors qu'ailleurs des enfants perdaient toute leur famille.

J'ai donc fini par me ressaisir et tourner une nouvelle page de mon histoire.

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#RebbeiL
Ven 21 déc - 01:53

Si je reste...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant