Je m'étais installé dans le quartier de Brooklin à New-York, depuis quelques mois espérant trouver du travail plus facilement qu'à la campagne où je vivais jusqu'à maintenant.
L'année 2018 commençait bien puisque j'avais été embauché par le New-York Times comme critique de cinéma. Un job en or! Ma spécialité, les films fantastiques et d'horreur.
Ma vie était trépidante et bien remplie. Je vivais à cent à l'heure comme tout bon new-yorkais qui se respecte. Et pour tenir ce rytme soutenu, j'avais succombé à la tentation de prendre des médicaments: produits dopants, anti-stress, anti-fatigue, anti-migraine, ... La liste s'allongeait un peu plus chaque semaine. C'était le prix à payer pour vivre mon rêve.
Je m'étais très vite fait des amis par le biais des réseaux sociaux, notamment un jeune passionné comme moi de films fantastiques, prénommé Wilfried.
Un soir de Décembre, Wilfried me proposa d'aller voir une rediffusion de La Nuit des morts-vivants de Romero, l'ancêtre des films de zombies. La séance avait lieu à minuit, histoire de pimenter la projection.
J'acceptai sans hésiter.
Le jour venu, j'étais en retard, comme d'habitude. J'avais toujours eu un problème avec la ponctualité. Je connaissais heureusement un raccourci. En passant par le parc municipal, je gagnerais quelques minutes précieuses et serais à l'heure pour notre séance de cinéma.
Le parc restait ouvert en continu. C'était un endroit très agréable le jour: il y avait un petit étang où pataugeaient canards et cygnes, une roseraie, des arbres centenaires, un parcours de santé, des jeux pour les plus petits. Bref, les citadins aimaient se retrouver dans ce lieu calme et ressourçant.
La nuit venue, quelques sans-abris y trouvaient refuge à la belle saison mais l'hiver, l'endroit était désert. Je n'étais pas du genre à m'effrayer pour un rien. J'entrai dans le parc sans me poser de questions.
Alors que j'étais au centre du parc, j'entendis un bruit de pas derrière moi.
Je n'y prêtai presque pas attention et poursuivis mon chemin. Mais, je me sentis comme suivi. Je me retournai. Personne. Je repris ma marche avec un peu moins d'assurance. J'avais l'impression qu'on m'observait.
L'étonnement fit place à l'inquiétude. Je m'arrêtai de respirer quelques instants guettant le moindre bruit autour de moi. Un silence pesant régnait dans le parc. La nuit était noire. Pas un rayon de lune pour éclairer les alentours.
Tout à coup, je sentis quelque chose attrapait l'une de mes chevilles. C'était froid, visqueux et dur à la fois. Au lieu de me débattre ou de m'enfuir, je restai sur place, paralysé de peur. J'étais tétanisé. Ce qui m'avait saisi la cheville desserra son étreinte et je fus libéré. J'essayai de retrouver mes esprits. Mon imagination me jouait-elle des tours? A force de voir des
films d'horreur, je commençai à ne plus distinguer la fiction de la réalité. Je respirai profondément pour retrouver mon calme...Je pris une dernière grande inspiration quand je sentis un léger souffle sur ma nuque. Ce dernier ne m'aurait pas inquiété plus que cela s'il n'y avait pas eu cette odeur nauséabonde et putride qui l'accompagnait.
Je n'osai pas me retourner. Qu'allais-je découvrir? Cette fois, ce n'était pas le fruit de mon imagination. Il y avait quelqu'un derrière moi? Peut-être un SDF ayant abusé d'alcool? J'eus alors honte de moi. Quelle poule mouillée je faisais! Je me ressaisis et me retournai bien décidé à en découdre s'il le fallait avec ce sans-abri.
Au même moment, les nuages dans le ciel obscur se dissipèrent, faisant apparaître la pleine lune qui éclaira le parc.
Je découvris alors une chose innommable. On aurait dit un de ces êtres tout droit sorti d'un films d'horreur. Son corps désarticulé était recouvert de vêtements en lambeaux. Ses mains n'étaient plus que des os recouverts par endroits de bouts de chair en décomposition. Quant à ses yeux, ils étaient vitreux, inexpressifs. Tout son être semblait inanimé. Seule sa mâchoire claquait sans cesse avec une force incroyable. Je me demandai si je ne rêvais pas. J'avais lu que certains médicaments que je prenais pouvaient donner des hallucinations. J'avais dû faire une surdose. Ma vue se troubla. Je m'évanouis.
Je me réveillai dans mon lit, trempé de sueur. Je voulus me lever pour boire un verre d'eau mais tout se mit à tourner autour de moi. Une terrible migraine m'obligea à rester couché. Je sentis alors une douleur à la cheville, comme si quelque chose d'incandescent brûlait ma peau. Je relevai la couverture et vis une plaie béante et purrulente au-dessus de mon pied. On distinguait des traces plus profondes qui semblaient correspondre aux phalanges d'une main.
Tout me revint en mémoire: le rendez-vous au cinéma, le parc, la chose...Je n'avais pas rêvé. J'avais réellement vécu ces événements. Mais alors, comment étais-je rentré chez moi? Mon dernier souvenir était cette vision d'horreur à Prospect Park puis plus rien. C'était le trou noir...
Je restai un long moment allongé, endurant la douleur provoquée par ma blessure inexpliquée et ne pouvant me relever sans risquer de tomber.
J'avais beau retourné cette histoire dans ma tête, elle n'avait aucun sens!
Quelques heures passèrent. Mes maux de tête s'estompèrent. J'en profitai pour me lever et aller soigner ma blessure dans la salle de bain, ce qui ne fut pas de tout repos. Après avoir désinfecté la plaie, je me mis à chercher le nécessaire pour réaliser un bandage dans mon armoire à pharmacie.
J'entendis un bruit suspect de pas dans la pièce d'à côté. Personne ne possédait le double des clefs de mon appartement. Je demandai s'il y avait quelqu'un. Le bruit cessa, alors je me dis que j'avais une fois de plus était victime d'une halucination. Je repris mes recherches dans le meuble non sans inquiétude. Ce fut à ce moment précis qu'une odeur fêtide très forte me brûla les narines. J'avais déjà senti cette puanteur...Un léger souffle courut sur ma nuque. Je n'étais pas revenu seul du parc... était-se un sans abrit ? Ou autre chose ?