MORT FÉE

   Allison sort de la maison en titubant, elle a un peu trop bu. Son petit ami lui propose de la raccompagner chez elle en voiture, mais celle-ci refuse. Elle préfère ne pas le déranger et rentrer chez elle à pieds. Son petit ami insiste pourtant, car il n'est pas rassuré de voir sa chérie partir au beau milieu de la nuit toute seule. Mais Allison est têtue comme une mule. Elle le convainc et il finit par céder. Elle le regarde alors se diriger vers sa voiture, y entrer, la démarrer et enfin partir. 

   Elle se dirige, elle aussi, vers le chemin habituel qui mène à chez elle mais sa vision se brouille et elle est prise de fortes nausées. Elle accoure le plus rapidement possible vers le grand chêne qui est derrière la maison, à la lisière de la forêt. Là, elle vomit sans interruption jusqu'à expectorer des glaires. Exténuée, elle s'accroupit et essuie le coin de ses lèvres avec la manche de son pull. Ses yeux scrutent la forêt et son regard s'attarde sur un sentier à peine perceptible dans la noirceur de la nuit. Elle se souvient de quand elle était petite et qu'elle l'empruntait pour se rendre chez Alice, la propriétaire de la maison où elle est en ce moment même.

   Elle envisage donc les possibilités de passer par là afin de rentrer chez elle plus rapidement. Le chemin n'est pas très long mais il y a de nombreuses racines qui peuvent nous faire trébucher à tout moment. De plus, on ne voit presque rien tellement il fait sombre et ce n'est pas prudent. Pourtant, Allison allume la lampe torche de son téléphone portable et commence à marcher. Elle est beaucoup trop fatiguée pour penser à quoi que ce soit et elle n'a qu'une envie, c'est de s'affaler sur son lit douillet.

   Elle s'enfonce de plus en plus de la forêt et se tord à maintes reprises les chevilles à cause de ses hauts talons. Elle se les retire puis reprend sa marche. Soudain, une branche craque. Allison sursaute. Son cœur bat la chamade et elle tremble. Les feuilles d'un buisson s'agitent et une petite belette en surgit. Elle détale sur ses petites pattes aussitôt qu'elle voit la jeune fille. Allison souffle bruyamment et son cœur reprend un rythme normal. Elle n'arrive pas à croire qu'elle s'est imaginé les pires scénarios possibles à cause d'un petit rongeur.

   C'est à ce moment qu'une main s'abat sur son épaule. Son cœur manque d'exploser dans sa poitrine. De sa main tremblante, elle dirige le faisceau lumineux de son mobile sur ce qui se trouve dans son dos. Elle espère au fond d'elle même qu'il s'agit d'Alice. Mais non, ce n'est pas elle. C'est plutôt une espèce de fée. Mais pas les fées que l'on nous décrit dans les contes de fées justement. Non. Il s'agit plutôt d'un être ayant une forme humanoïde, de taille moyenne et munie d'ailes. Elle possède des cornes noires et parfaitement lisses. Elle est vêtue de lambeau et elle dégage un parfum de putréfaction.

   Ni une ni deux, elle enfonce le talon quasi pointu de sa chaussure dans ce qui semble être l'épaule de la créature. Celle-ci pousse un cri perçant et désserre sa prise sur l'épaule d'Allison.  La jeune fille profite de cette instant et s'enfuit ventre à terre. Mais il ne faut pas longtemps pour qu'elle entende le bruissement des ailes du monstre à sa poursuite. Elle a à peine le temps de se retourner que la fée se jette sur elle, faisant tomber Allison par terre. La créature lui saisit le cou, cherchant ainsi à l'étrangler. Par miracle, Allison réussit à attraper une grosse pierre qu'elle abat sur le crâne du monstre. Celui-ci est projeté en arrière violemment et ses doigts griffent au passage le cou de la jeune fille.

   Allison se relève aussitôt et remarque que la créature a céssé de bouger. Elle est peut-être morte. Pourtant, elle se remet à courir de peur que le monstre ne se réveille. Elle continue de jeter des regards furtifs dans son dos mais ses pieds s'emmêlent dans des racines, elle trébuche et se cogne violemment la tête sur le bord d'une souche d'arbre. Sa vue devient floue et peu à peu, elle perd connaissance.

   Lorsqu'elle rouvre les yeux, Allison est sur un canapé. Il fait jour et les rayons du soleil l'aveuglent. Elle se masse les paupières et essaye de distinguer l'endroit où elle se trouve. C'est avec soulagement qu'elle se rend compte qu'elle est chez Alice. L'aventure de la veille n'était rien d'autre qu'un cauchemar. Un cauchemar affreusement réaliste. Mais ce n'est que lorsque qu'elle va prendre sa douche qu'elle voit trois sillons profonds au niveau de son cou, exactement là où la fée l'avait griffée.