Chapitre 1

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On ne lui avait jamais prêté beaucoup d'attention. A croire qu'il était invisible. Les regards ne s'attardaient nullement sur lui. Il fallait dire qu'il ne paraissait pas extraordinairement intéressant, non plus. Un physique banal, ni trop grand, ni trop petit, ni brun, ni blond mais quelques reflets roux qui se perdaient dans le châtain de ses cheveux, pas de dons spéciaux qui auraient fait de lui un être exceptionnel, à peine quelques dispositions en matière de Quidditch. Ses notes étaient plus que correctes, mais au vu de sa mère, l'on n'en attendait pas moins de lui. Il n'avait ni la carrure du héro, ni celle du vilain, ni même celle du vieux sage. Il était, et se contentait d'être, un point c'est tout. Cela lui avait toujours convenu. Il se voyait difficilement exister autrement. Sa discrétion faisait partie de lui, tout comme son goût prononcé pour les vêtements mal coupés, le violoncelle et les tartines à la confiture de violette.

On aurait pourtant pu s'attendre à une certaine prestance de sa part, à en juger par son nom de famille. Mais il n'en était rien. Ni prestance, ni charme inné, simplement des sourires un peu ternes et des tics nerveux qui se baladaient sur son visage lorsqu'il était agacé. Une certaine indifférence à l'égard de ceux qui l'entouraient, aussi. Et des yeux bleus. Très bleus. D'un bleu si tapageur qu'ils l'ennuyaient. Ils détonnaient avec le reste de son allure. De manière générale, l'ennui était le sentiment qui primait dans sa vie.

Il n'avait pas d'amis. Quelques camarades de Serdaigle avec lesquels il discutait vaguement. Ça lui suffisait. À la maison comme partout ailleurs, son unique confidente était son ombre, grise comme ses pensées des mauvais jours. Elle ne l'abandonnait jamais, lui apportant une once de chaleur dans son monde incolore. Parfois, il y avait Rose, sa sœur, qui faisait irruption dans sa vie avec la délicatesse d'un ouragan. Rose, elle, détonait tout le temps. Et pas simplement à cause de la cascade flamboyante qui se déployait sur ses épaules.

Rose avait toujours été la préférée de ses parents. Elle était vive, drôle, belle et intelligente. Elle faisait souvent les mauvais choix mais personne ne pouvait lui en vouloir : Rose avait hérité du caractère emporté de son père. C'était un fait. Impossible de le nier. Ainsi, on ne lui avait jamais reproché d'avoir tenté d'embrocher leur cousine Lucy Weasley après une discussion orageuse avec celle-ci ou d'avoir mis le feu aux rideaux du salon, ceux que maman avaient achetés pour son anniversaire de mariage. Pas de brimades non plus lorsqu'elle avait fugué avec James Potter, leur cousin facétieux, une fois ses dix-sept ans en poche, et qu'elle avait dévalisé son compte en banque pour s'offrir un balai de course. Dont elle ne se servait qu'en de rares occasions, d'ailleurs.

Enfin bref, Rose rayonnait là où lui-même préférait s'éclipser. L'ombre était moins peuplée quand les places au soleil s'avéraient prisées.

Pour résumer, il était un garçon sans histoire, ayant à peine passé plus d'une heure en retenue – et encore, cela restait à voir – au cours des cinq années et huit mois qu'il avait connus à Poudlard. Il n'était que moyennement apprécié des professeurs, son attitude en classe se résumant à hocher la tête lorsque l'enseignant parlait, et prendre des notes quand on l'y obligeait. D'aucuns s'accordaient sur le fait qu'il aurait largement pu faire mieux et c'était alors son fameux nom de famille qui ressortait dans la conversation, suivi de petits hochements de tête déçus.

Il n'avait donc absolument rien de remarquable et ne s'attendait pas à être remarqué non plus. Aussi fut-il légèrement désarçonné en s'apercevant de l'intérêt soudain qu'on lui portait, à huit heures du matin, dans la classe tout juste close du cours de Défense Contre les Forces du Mal. Sans doute avait-il oublié de mettre son pantalon à l'endroit. Cela lui était déjà arrivé plusieurs fois au cours de sa scolarité et il en avait conservé un puissant sentiment d'humiliation. Un rapide coup d'œil à l'emplacement de sa braguette lui apprit que non. Il se tortilla maladroitement sur sa chaise, gêné par les vingt-quatre paires d'yeux étincelants de curiosité braqués sur sa nuque. Un tic nerveux agita ses lèvres. Une perle de sueur dégoulina le long de sa colonne vertébrale. Il enroula fébrilement une mèche de cheveux châtains autour de son index, espérant que ce geste anodin lui permettrait de recouvrer un semblant de sang-froid. Ce fut peine perdue. Qu'avaient-ils donc tous à le fixer de la sorte, enfin ?!

Le Labyrinthe du SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant