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Les yeux plissés, l'interpellée parvint à détailler du regard cette silhouette enfantine... Aspect rêveur auquel il fallait ne pas se fier, un esprit psychotique en étant maitre. La succube faisant dans la pièce son entrée était vêtue d'une robe immaculée, une teinte trompeuse. Un lys ornait sa chevelure bouclée, sa crinière rousse atteignant ses côtes. Ses grandes pupilles surlignées d'un trait blanc lui donnait un aspect merveilleux, son visage ovale et angélique naturellement délicat.

Lilith, pleine de merveilles, paraissait si irréelle qu'elle s'apparentait plus à une poupée qu'à une humaine. Le sol de la petite mansarde grinçait sous ses pas. À chaque pas, sa figure généreuse réduisait un peu plus la distance la séparant de sa bien-aimée. Selene tremblait, redoutant le retour de la succube auprès d'elle.

Les prunelles de la succube, bien que leur grandeur soit flatteuse, semblaient vides d'expression. Ces miroirs de l'âme perdaient leurs couleurs, y distinguer une trace de vie frôlant l'impossible. Elle fixait Selene, son sourire depuis toujours ineffaçable. Sa voix douce inspirait chez la jeune femme la crainte, celle-ci visiblement en piteux état.

Allongée au sol, la poussière et les blessures enveloppaient le corps de Selene. Sa chevelure noire semblait désordonnée, couvrant sa mine désespérée. Ses prunelles priant la succube de l'épargner aujourd'hui, apeurée d'endurer aujourd'hui des instants de dépravation ou bien de recevoir ses plaies quotidiennes. Des marques qui s'ajouteraient à sa grande collection d'entailles, Lilith dessinant sur son corps des motifs mortels et répétitifs. Le cou criblé de baisers du démon indiqua à la jeune mortelle qu'il avait déjà rendu visite à d'autres hommes avant elle. 

La succube s'agenouilla. Abaissée à la même hauteur que Selene, elle laissa s'échapper un petit rire, son gant immaculé couvrant sa bouche.

« N'aies pas l'air si effrayée, je m'occuperais bien de toi, comme toujours... J'ai acheté un tissu plus doux pour entraver tes poignets, ça devrait faire moins mal que les chaînes. »

Lilith tripota ses poches. Frôlant de nombreux ustensiles acérés au passage, elle sortit finalement de ses poches un sachet coloré, affichant son sourire le plus forcé. Ce dernier contenait un fil épais et pourpre, la succube l'extrayant du paquet transparent. Souriante, elle saisit les mains de la mortelle, enlevant prudemment ses chaines.

Les cliquetis métalliques insupportaient la succube, celle-ci retenant son énervement pour ne pas blesser par mégarde Selene. Munie de gestes doux, Lilith effleurait les traces azures rongeant les bras abimés de sa bien-aimée. Ses mains touchaient leur propre œuvre, une toile sinistre sur laquelle s'était démenée l'artiste. Selene  sentit la pression exercée sur ses poignets disparaitre peu à peu, le poids des chaines s'envolant entièrement.

Elle observait, étonnée, celle qui la privait de liberté prendre soin de ne pas faire de mouvements brusques, faisant attention à ce qu'elle aille mieux. Selene releva avec difficulté son visage meurtri, tentant de déceler que pouvait bien apporter à Lilith de ne pas lui faire subir ses violences aujourd'hui. Elle voulait percevoir de la pitié en ses traits si beaux qu'ils en devenaient effrayants quelque chose signalant le remord.

« Tu vois, ça paye d'être obéissante. »

Emplis de cruauté, ces mots qu'on lui susurrait tendrement ne contenaient aucune sensibilité... Leurs échos se répétaient infiniment en son esprit confus, la voix de la succube s'entremêlant les uns aux autres. Ce qui semblait être une gentillesse nouvelle lui faisait tant d'effet, perdant l'envie de s'éveiller de ce songe cauchemardesque dans lequel elle vivait. Lilith se préoccupait-elle donc vraiment d'elle, était-elle plus qu'un jouet sans valeur qu'elle s'amusait à détruire, à réprimander, à torturer ?

SuccubusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant