Grandir

16 7 2
                                    

Elle sent son cœur battre contre sa poitrine.
Douloureusement.
Elle ne fait que le ressentir. Il semble avoir doublé peut-être même triplé de taille empêchant ses poumons de respirer.
Elle se sent seule. Il n'y a qu'elle et ce cœur trop lourd, trop encombrant. Elle aimerait juste respirer. Mais elle a juste la désagréable impression de s'enfoncer un peu plus dans les ténèbres. Elle aimerait remonter, refaire surface.
Elle ne sait plus quoi penser. Perdue. Elle est complètement perdue. Dans sa tête, les pensées et les mots se bousculent tandis que son cœur est couvert de maux et de cicatrices. Elle souffre. Et elle n'arrive plus à le nier. Elle cherche désespérément la lumière mais elle semble bloquée dans cette obscurité oppressante.
Respirer. Elle voudrait respirer et elle essaye sans cesse. Elle essaye de calmer cette névrose qui la dévore de l'intérieur.
Injustice. Elle pense que le monde est injuste. Et elle a raison. Mais elle est si occupée à essayer de ne pas sombrer qu'elle ne s'en rend pas compte.
Elle a froid. Des frissons d'effroi et de peur parcourent son corps qui semble tomber dans un gouffre sans fin. Sa tête tourne. À moins que ce ne soit le monde. Elle ne sait pas. Elle ne sait plus.
Elle aimerait crier à l'aide. Demander à quelqu'un, n'importe qui de lui tendre une main douce et chaleureuse. Une main qui la tirerait hors de ce monde effrayant. Loin de ces démons qui n'attendent que sa chute. Loin de ces sourires hypocrites derrière lesquels elle se cache en prétendant que tout va bien.
Elle espère que quelqu'un saura lire sa détresse dans ses yeux brillants de larmes. Que quelqu'un remarque ses moments d'absence. Que quelqu'un voit qu'elle est en train de se noyer. Elle implore une aide quelconque. Elle espère que quelqu'un saura lire entre les lignes.
Le destin s'acharne.
Lorsqu'elle croit apercevoir la lumière au bout du tunnel, de nouveau les ténèbres resurgissent.
Et ils détruisent tout.
Tout ce qu'ils peuvent.
Tout ce qu'ils veulent.
Tout ce à quoi elle se raccrochait.
Elle pleure en espérant qu'un peu de sa peine soit emportée dans ses larmes. Que les gouttelettes retirent un peu de ce poids qui pèse sur sa poitrine.
Mais elle est juste là. Seule. Étendue sur le sol glacé. Et elle pleure. Et elle crie. Sa voix perçante traduit sa détresse.
Mais les autres l'ignorent superbement. Ils continuent de courir, bien trop occupés par leurs propres problèmes pour s'apercevoir qu'elle se noie.
Et eux, qui prétendent l'aimer mais qui ne l'aiment que lorsqu'ils ont besoin d'elle. Ces sales hypocrites. Ces sales menteurs. Ils ne sont présents pour elle que lorsqu'ils peuvent en tirer profit.
Dégoûtée. Elle est dégoûtée de cette société.
Elle ne croit plus en l'Homme.
Elle ne croit plus en l'amour.
Pour elle, l'amour n'existe pas. Et cette pensée ne fait que la conforter dans sa place parmi les ténèbres. Que lui reste-t-il?
Elle a tout perdu. Elle l'a perdue, elle, trop pressée de rejoindre les anges. Elle l'a perdu, lui, parti également au-dessus des nuages. Et chaque jour, leurs absences lui pèse. Leurs sourires lui manquent. Mais elle s'efforce de ne jamais les mentionner tout haut, de peur de raviver la peine et la douleur de ses proches. Elle se contente de leur garder une place au chaud dans son cœur.
Sa vie s'est alors brisée. Et la rupture au sein de son foyer n'a fait que l'achever un peu plus.
C'était sans compter sur lui. Il a préféré une autre. L'histoire se répète, vicieuse. Et elle perd encore un peu sa confiance en elle.
Son cœur continue de tambouriner sur ses côtes. Elle sent à chaque seconde, ses vieilles plaies se rouvrir encore. La souffrance prend possession de son corps et de son âme, et elle continue son ascension vers ce monde sombre.
Elle suffoque. Ses larmes roulent sans cesse. Et ses cris redoublent d'intensité. Elle déteste ça. Elle déteste ressentir tout ce qu'elle ressent. Elle déteste se sentir vulnérable. Elle déteste le fait que les autres puissent la penser faible. Alors elle se tait. Elle garde sa douleur enfouie au fond d'elle-même. Lorsqu'on qu'on lui demande, elle se porte toujours merveilleusement bien. Elle a fini par apprendre à ravaler ses larmes. Apprendre à encaisser les coups. Apprendre à prétendre qu'elle va bien même dans les pires circonstances.
Alors elle se met à écrire. Elle écrit sa douleur, sa peine, son désespoir.
Et chaque mot posé sur le papier la soulage du poids du fardeau qu'elle porte. Elle ne veut pas de la pitié des autres. Elle veut juste leur compréhension. Elle veut montrer que la faiblesse de l'Homme n'est pas de souffrir. Elle veut prouver que la douleur fait que les gens bougent, évoluent.
Elle veut montrer la force cachée de l'ombre. Toucher le fond pour mieux remonter. Sentir le vent glacé se réchauffer petit à petit. Sentir son cœur qui bat. Et même s'il saigne, il bat et il est le signe qu'il reste de l'espoir.
Elle ouvre alors enfin ses yeux. Ses yeux qui étaient clos comme si sa vie était un cauchemar et qu'il suffisait de dormir pour tout changer.
Elle se relève. Elle sent en elle une force nouvelle. Elle veut assumer ses larmes. Elle veut assumer ses peurs et ses pleurs. Assumer ses sentiments. Peut-être que c'est ça grandir.
Elle pense à sa famille déchirée mais aimante. Elle pense à ses amis, qui parfois ne la comprennent pas, mais qui sont toujours là, présents à ses côtés pour sécher ses larmes et panser ses blessures. Et elle réalise que l'amour existe.
Elle réalise qu'être en vie est merveilleux.
L'air parvient enfin à ses poumons. Elle respire. Elle a toujours mal mais elle est toujours debout.
Elle sait qu'il est difficile de tenir mais elle va le faire quand même.
Au loin, une voix résonne. Elle ne sait pas à qui elle appartient mais elle est rassurante.

Elle ne sera plus jamais seule.

Dimanche 13 janvier  2019

Recueil de poésie-Quelques mots de mon espritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant