Soraya

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Un côté du visage blanc, l'autre noir. Soraya voyait blanc et noir dans son monde. Tout ou rien. Euphorique ou complètement triste. Sereine ou colérique. Qu'est-ce-que cela peut se révéler difficile de contrôler ces émotions.

Un jour, la bonté du monde égayée par les gouttes d'eau. Les nuages gris d'un monde qui tourne, et Soraya, elle tourne avec, elle valse avec la pluie et ses jolis sentiments. Puis, de toute façon, Soraya, elle se sent capable d'aller à l'autre bout du monde. Elle est capable de tout. D'éteindre et d'allumer le soleil pour que le monde ait plus de couchers de soleil -car tout le monde a besoin d'un coucher de soleil à lui-. Elle est capable d'aller chercher les étoiles pour les apporter aux gens, peut-être qu'elles les guideront dans leur monde si noir. Ici, c'est blanc. Blanc écru, blanc cru, blanc ivoire, blanc cassé. Non, pas blanc cassé.
Non,
non,
Soraya, elle fera en sorte de le réparer ce blanc.
Elle slalome entre des lampadaires qui ressemblent à des lucioles vues de là-haut. Les murs des immeubles fissurés par le trop-plein d'amour qu'ils abritent. Que l'univers et ces gens sont beaux quand tout est blanc.

Un jour, la laideur se montre, et ça, sous n'importe quel temps. Un soleil qui semble statique et cette vague de gens qui semble à tout prix profiter de l'immobilité du monde pour avancer le plus loin qu'ils le peuvent. Sûrement pour fuir la foule, les villes nauséabondes, les monstres qui ont pris comme refuge les immeubles -ou la tête des gens, tout simplement-. Soraya, elle n'avance pas. Elle n'en est pas capable, de toute manière, elle n'a jamais été capable de quoi que ce soit. Elle n'avance pas aujourd'hui, pas demain non plus, ni dans l'année qui va suivre, enfin, jusqu'à sa prochaine crise d'euphorie. Elle tape les lampadaires, les implore de s'éteindre et de laisser l'abîme de l'univers l'aspirer. Dites au petit prince, que son allumeur de lampadaire peut bien abandonner son poste, car ici, tout est noir. Car ici, rien ne vaut plus la peine. Dites au soleil de se laisser mourir, et priez de bien l'excuser encore une fois auprès du petit prince qui n'assistera plus à aucun coucher de soleil. Les murs fissurés montrent le pouvoir du temps, aussi bien sur les objets que sur les gens. Qu'est-ce-que le monde est moche quand il est tout noir.

Un jour blanc, un jour noir. Soraya ne le décide pas vraiment. Et devant son miroir, elle voit peu à peu son visage prendre la teinte qui guidera sa journée. Soraya borderline n'a jamais eu le choix de la couleur de ses journées. Elle n'a d'ailleurs jamais choisi d'agrémenter ses journées d'autres choses que de ces deux couleurs-là. Mais parfois, si elle se fixe assez longtemps dans les yeux, elle s'imagine au plus profond d'elle que son visage devient multicolore.

Miroir,
mon doux miroir,
dis-moi
quelle journée vais-je
passer aujourd'hui ?

les miroirs mententOù les histoires vivent. Découvrez maintenant