Réveil infernal.
Traître matinal qui vient me sortir du sommeil.
Souffrance habituelle, pourtant nécessaire... Sans réveil je louperais l'heure de l'embauche et je pourrais tirer une croix sur mon salaire... Mais enfin... Pas un dimanche !
Atroce manie que j'ai de me coucher à des heures impossibles et de fixer mon réveil à 6h30 !J'éteignis d'un geste las mais non moins délicat la sonnerie de mon téléphone portable. J'aurais pu l'envoyer valser à travers la pièce, ce que j'aurais adoré faire d'ailleurs, mais vu le prix de la téléphonie mobile j'ai depuis longtemps abandonné ce projet (avec regrets).
Maintenant se posait la question : que faire après s'être réveillé un dimanche matin aux aurores ?
La réponse me vint aussi vite qu'elle me semblait évidente : Rien, il n'y a rien à faire. Comble de l'exaspération, je ne suis pas de ceux qui s'endorment rapidement, et si, par aventure, j'aurais quand même voulu tenter de me rendormir, le soleil s'infiltrait déjà par chaque interstice de mon vieux volet, me faisant tirer une croix définitive sur un retour au sommeil.Je me levais donc, lentement, les yeux plissés, à la recherche d'un quelconque pull ou sweat-shirt à me mettre sur le dos. Si ma couette me garde bien des fraîcheurs extérieures, le retour à la réalité d'un mois de février glacial ne s'en fait que plus fortement ressentir. Avec peine, j'ai réussi à extirper un vêtement de ma valise et l'enfiler en maugréant. Ma priorité : la douche, seul moyen pour moi de ne plus agir comme un cadavre ambulant. Je m'y dirige donc, lentement, les cheveux en bataille et l'œil vide, portrait peu glorieux, certes, mais je m'en moque. Mon père est seul à vivre ici et profitera, lui, de son dimanche, pour se lever à une heure... Disons raisonnable. C'est donc sans arrières-pensées aucune que je me traînais dans le couloir me menant à mon saint Graal, quand j'entendis une porte claquer au rez-de-chaussée. Étonnant. Mais peu m'importais, il fallait que j'arrive à bon port. Entré dans la salle de bain, et les robinets tournés, je pouvais enfin commencer à me détendre... Je ne passe pas plus de 15 minutes sous la douche pourtant je ne raterai pour rien au monde la sensation de l'eau chaude sur ma peau... Un bien-être mêlé d'un réveil progressif... Que demander de plus...
C'est un raclement de gorge et des coups portés à la porte qui me sortirent de mes pensées. Une voix, plutôt grave, qui se faisait pressante.
« Toby, dis moi que tu as bientôt fini !
Mon père semble pressé, pas habituel pour un dimanche.
- Je me sèche et tu peux rentrer, attends un peu...
- Pas de soucis...
Je l'entendais qui respirait bruyamment, comme si il cherchait à retrouver son souffle.
- Tiens, Toby, pendant que tu y es tu pourrais me retrouver le parfum que tu m'a offert pour mon anniversaire ? Ça serait vraiment sympa de ta part...
Tiens, première nouvelle. Mon père veut son parfum. Celui qu'il avait pourtant mis de côté en rigolant doucement quand je lui avait offert, en disant que, depuis le départ de Maman, il n'avait plus besoin « d'attrape-minettes ».
- Dis moi, je pensais que t'en avait pas besoin ? Tu sais que pendant un temps j'ai faillit y croire !
- Arrête de faire le mariole et ouvre cette porte, Toby !
Ça, c'est une question que je me suis toujours posé; pourquoi, bien qu'il ai été le premier à insister pour que je porte mon prénom, mon père m'appelle avec un surnom ? Je veux dire, ça ne me paraît pourtant pas très compliqué de rajouter deux lettres à un mot...
- Voilà, voilà, j'arrive.
... Mais étrangement je l'ai très peu de fois vu m'appeler Tobias. Si il le faisait, pendant un temps, il a du penser ensuite que la prononciation « à la jeune » serait du plus bel effet, et peut-être que finalement le tic lui est resté. Enfin, je crois, parce qu'à 24 ans, on a plus besoin que nos parents nous parlent comme à de simples adolescents.
- Merci, t'as retrouvé le parfum ?
La boîte était posée bien en évidence, intacte. On y avait clairement pas touché depuis plusieurs mois.
- Trouvé... Dis moi, qu'est-ce qui t'arrive aujourd'hui ?
- J'ai un rendez-vous... C'est compliqué...
- Je vois... De toute manière tu m'expliquera ça au déjeuner, hein ?
-Oui... Oui...
Mon père ne m'écoutait plus, il s'était parfumé et s'exerçait à plaquer sur sa tête le peu de cheveux qui lui restait, et c'est au moment où je m'apprêtais à partir qu'il se rappela soudain de ma présence.
- Dis moi Toby, si tu recevais un message d'un inconnu qui te demande de venir chez lui en urgence parce qu'il y a là bas une femme qui t'a aimé qui veut, semble-t-il, te revoir, tu irai ?
La question était si soudaine et si précise que je ne pus m'empêcher une remarque.
- C'est parce que c'est ça ton rendez-vous important ? Un rendez-vous galant orchestré par un inconnu ?! N'y va pas, je vois venir le coup fourré de très loin !
- Mais tu me casse les pieds ! J'ai rendez-vous avec un notaire, Maître Lebougru, en centre-ville, rien à voir avec ce genre de chose, je voulais juste ton avis... Personnellement je sais pas ce que je ferai...
- Bah tu l'as, tout simplement je penserais à un coup tordu et je ne viendrais pas, ou alors j'irais me renseigner auparavant auprès de cette dame. Ton pseudo-dilemme est stupide.
- Je vois... Merci.
Il se concentrait totalement sur sa tâche et se désintéressait de moi. En haussant les épaules je me suis mis a descendre les escaliers en direction de la cuisine. Un petit déjeuner et une journée affalé sur le canapé, voilà comment j'occupe mes journées de vacances. En province il n'y a pas grand chose à faire, mes journées sont donc essentiellement remplies de vide. Et même si ça peut sembler lassant, tout ça me convient parfaitement, si j'aime mon métier, il ne me laisse pas le temps de m'ennuyer...
La table de la cuisine, encombrée de toute part, voyait une pile de courrier à moitié ouvert côtoyer un bocal d'une confiture d'orange quelconque, à moitié refermé. Des tranches de pain, disposées de façon totalement désordonnée sur une assiette pleine de miette. Mon père n'est pas des plus soigneux mais c'était la première fois que je voyait tout abandonner comme ça. On aurait dis qu'il avait tout préparé mais qu'il avait été interrompu par...
Un bouillonnement se fit entendre, et je me précipitai vers les plques de cuisson pour en retirer la casserole d'un œuf à la coque abandonné.
- Il pourrait faire attention bordel, Papa ? Ton œuf est prêt !
Une voix étouffée se fit entendre de l'autre côté de la porte
- Prends le je dois y aller !
Je m'attablai donc, l'œuf en chaud dans un coquetier, tentant de retrouver le fil de mes pensées.
... L'ouverture des lettres... Son rituel quotidien consistant à lire le journal et le peu de courrir qu'il recevait ça ne m'aurait pas étonné...
Trois lettres étaient justement ouvertes sur la table, en haut de la pile. Une publicité pour un collectif d'ouvriers du bâtiment, une lettre signée Maître Lebougru, notaire, parlant de la signature d'un contrat de mariage et un avis de la mairie sur le ramassage des poubelles.
Attends un peu...
Un contrat de Mariage ?!
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Tierce Lieu, Grise Mine
Mystery / ThrillerÀ destination de Mr PARKIE Tobias, journaliste. Cher Monsieur, au vu des événements de ces derniers jours qui ont dû, sans nul doute, ébranler de façon singulière votre quotidien, je vous prierais, en toute franchise et amitié d'abandonner toute re...