Le silence régnait dans la salle de classe.
Deux jeunes hommes étaient assis l'un à côté de l'autre, autour d'un petit bureau où s'étalaient des feuilles et des manuels scolaires. L'adolescent, grand et mince, les sourcils froncés et les lèvres pincées, étudiait tour à tour son cours et sa feuille d'exercices. L'air perplexe, Il se tournait vers l'autre homme.– Oikawa-Sensei ?
L'intéressé releva la tête, son menton enterré dans sa paume de main. Lui aussi était grand, la peau claire et les cheveux bruns, légèrement en bataille après cette journée animée. Il darda sur le plus jeune un regard ennuyé.
– Qui y a-t-il ?
Du doigt, Tobio attira l'œil de son professeur sur un exercice.
– je ne comprend toujours pas comment on peut parvenir à cette conclusion. Vous pouvez...?
Affectant un air agacé, Oikawa soupira bruyamment, rapprochant sa chaise de celle de Tobio.
– Sérieusement, Tobio-chan ? Râla-t-il en se saisissant du crayon de son élève. On a pourtant vu ça la semaine dernière !
Malgré sa plainte, il se pencha tout de même, son souffle chaud caressant la joue de Tobio tandis qu'il examinait le problème. Un instant, il risqua un coup d'œil oblique vers son élève, constatant (avec une pointe de déception) que ce dernier ne semblait pas s'émouvoir de leur soudaine proximité, gardant ses yeux rivés sur sa copie, dans l'attente d'un miracle qui lui ferait comprendre les mathématiques. Le jeune professeur esquissa un petit sourire à cette véritable dévotion pour sa matière, et corrigea les (nombreuses) fautes de son élève, entamant son explication.
- D'abord, tu fais ça. Non, plutôt comme ça. Pas comme ça j'ai dis ! Voilà, c'est mieux. Ensuite, tu te bases sur ce résultat pour...
Étonnamment, Oikawa s'exprimait sur un ton posé (ou presque), expliquant patiemment (ou presque) chaque étape, annotant dans la marge de petites informations utiles de sa belle écriture cursive. Concentré et déterminé à comprendre la logique des mathématiques, Kageyama observait les chiffres inscrits sur son polycopié, reproduisant avec minutie la méthode de son aîné.
De temps à autre, il soufflait sur sa frange devenue trop longue, et qui occultait sa vision; à travers le rideau de cheveux noirs, c'était à peine si l'on distinguait ses iris !
Du coin de l'œil, Oikawa l'observait, un sourire en coin enterré dans sa paume de main: irrité, Tobio fronçait le nez, un soupir de frustration lui échappant tandis qu'il tentait à la fois de résoudre son problème mathématique et son problème capillaire.
Le sourire d'Oikawa s'élargit encore.
Il était tout simplement adorable.
Pas adorable de la manière typique, usuelle.
À vrai dire, sa bitch-resting face avait déjà fait pleurer plus d'un enfant, et ses sourcils perpétuellement froncés n'arrangeaient en rien son cas, lui conférant à chaque heure un air renfrogné d'ours mal léché.
En cet instant pourtant, Oikawa ne pouvait songer à aucun autre champs lexical pour décrire son petit Tobio, son stupidement adorable, absurdement sincère, bêtement innocent petit Tobio.
D'accord, ça faisait déjà deux autres champs lexicaux. Et il pouvait déjà en rajouter un troisième, car Tobio avait la fâcheuse manie d'être incroyablement distrayant, dans chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, chacune de ses mimiques.
C'était très embêtant.
Alors, dans le but de se débarrasser de cet élément de déconcentration qu'était l'expression boudeuse sur son visage, Oikawa fourrageât quelques instants dans ses poches, cherchant de quoi résoudre au moins un des soucis de son élève. Enfin, il finit par mettre la main sur un élastique rose vif, qu'il brandit triomphalement devant le nez de Tobio.– Appelle-moi le faiseur de miracle, Tobio-chan, car je vais te faire recouvrir la vue !
Le jeune garçon, intrigué, penchait la tête de côté, comme pour observer sous un autre angle de vue l'objet que lui montrait Oikawa. Il reporta ses yeux sombres sur son aîné, une lueur circonspecte brillant au fond de ceux-ci.
Tooru, enthousiasmé par l'idée ayant germé dans son esprit, lui servit son plus beau sourire −celui à qui personne n'avait jamais su dire non, pas même Iwa-chan− et reprit d'une voix flûtée: