Chapitre 45

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Soctoris, Septième Royaume, Village d'Ankaris, École d'Ankaren....

Le vent glacial venu des steppes du Nord soufflait fort sur Ankaren, arrachant des paquets de neige aux branches nues des chênes et des hêtres qui entouraient la vaste demeure où enseignait Guimar.

Le Guérisseur Initié donnait un cours matinal aux cinq Apprentis Guérisseurs placés sous sa responsabilité. Comme ses camarades, Sanae s'efforçait de mémoriser les innombrables noms de plantes que leur inculquait Guimar, en tentant d'ignorer le froid mordant qui condensait son souffle en éphémères cristaux de glace.

Mais faire abstraction de ses pieds engourdis dans leurs sabots de bois s'annonçait de plus en plus difficile à mesure que le temps passait.

Pourquoi persistait-il à leur donner cours en forêt en plein hiver ?

–Sanae ? l'interpella la voix sèche du Maître. Qu'est-ce que je viens de dire ?

La jeune Soctorisienne sursauta et réfléchit rapidement. Pas assez au goût de Guimar qui s'approcha d'elle et lui tira l'oreille, lui arrachant un cri.

–Encore à bailler aux corneilles !

–Je....Je ne sais pas, Maître, balbutia-t-elle.

–Je ne vous demande pourtant pas grand-chose, seulement d'être attentif à ce que je dis ! dit-il en la secouant comme un prunier avant de la lâcher.

Gémissant de douleur, elle plaqua aussitôt ses mains sur son oreille droite, se mordant les lèvres pour s'empêcher de pleurer.

–Tes amis gagnent deux jours de corvée de bois supplémentaires ! ajouta-t-il.

Quatre paires d'yeux furieux se tournèrent vers la jeune fille.

Punir les autres élèves était la meilleure technique que Guimar ait trouvée à ce jour. Les enfants veilleraient à ce qu'elle n'oublie pas la leçon. D'un geste sec, il la renvoya.

Elle réussit à retenir ses larmes un moment, puis une fois hors de vue, le barrage de sa volonté céda et elle éclata en sanglots. Les deux prochains jours seraient un enfer ; ses camarades lui feraient payer au centuple son erreur.

Sanae renifla tout en prenant la direction du manoir. Si elle prenait de l'avance sur la corvée d'épluchage de légumes pour le repas du midi, peut-être que ses camarades lui pardonneraient. Et au moins, elle serait au chaud.

Un éclat blanc au milieu des arbres attira son attention. Elle ne pensait pas connaître d'animal à la fourrure blanche dans ce coin-là d'Ankaris, même lors des hivers glacés comme celui-ci. Les seules bêtes qui fréquentaient ces lieux étaient les hordes de biches et autres cervidés, ainsi que les lièvres et écureuils pour les plus petits spécimens. Les oiseaux étaient très rares en hiver dans la forêt d'Ankaris. Ils migraient plus au Nord, vers Ocuris ou Timeris. Peut-être un loup blanc des Montagnes descendu ici en quête de nourriture ? Elle secoua la tête, repoussant cette idée. Les loups n'étaient pas solitaires, pas sur Soctoris.

Tiraillée entre la curiosité et la peur, elle s'avança vers la tâche floue qui tranchait avec les différents tons de marron qui perçaient sous le poids de la neige qui recouvrait les cimes.

L'animal, quel qu'il soit, se déplaçait aisément dans les taillis touffus et les branches enchevêtrées. Heureusement, il allait lentement, et Sanae parvenait à le suivre sans le perdre de vue. Elle s'enfonçait parfois jusqu'aux genoux dans la neige molle qui recouvrait les feuilles mortes de l'automne. Grelottant à cause de ses pieds gelés, elle resserra son châle de laine sur ses épaules pour se réchauffer. Son souffle se condensait en un fin nuage à chacune de ses expirations. Ses mains glacées se resserrèrent sur le petit couteau qui lui servait à récolter ses herbes : prudente, elle marquait son chemin, laissant des entailles sur les troncs d'arbres.

Les Douze RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant