Partie 5

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Clarke,

J'ai beaucoup de choses à t'expliquer. Certaines de ces choses, je n'ai jamais pu te les dire. C'est plus simple de les écrire. Je suis dans la chambre au Capitole. Ils pensent que je dors. Ils ne se doutent pas que j'écris une lettre parce qu'ils nous pensent trop stupides pour écrire quoi que ce soit. Ils se pensent vraiment supérieurs à nous, au Capitole, et je trouve ça assez triste de les voir aussi ignorants. Il y a tellement de choses qu'ils ne savent pas !

Mais ce n'est pas de ça dont je veux te parler. Si tu lis cette lettre, c'est que Lexa te l'a rapportée. Seule elle sait où je vais la cacher dans l'appartement. Seule elle peut te la donner. Et si tu l'as, alors tu détiens la preuve que je ne mentais pas quand je t'ai dit que je ne reviendrai pas. Je le savais, Clarke, dès que j'ai été appelé le jour de la Moisson. Ne sois pas triste, attends de finir la lettre avant de tirer des conclusions hâtives. Souviens-toi des livres que le Maire me prêtait secrètement, j'attendais toujours de les finir avant de te dire s'ils m'avaient plu ou non. C'est la même chose ici.

Je ne sais pas trop par où commencer. Je veux que tout soit clair. Je vais commencer par essayer de t'expliquer qui je suis car il y a une partie de moi que tu ne connais pas. En fait, personne ne l'a jamais connue. Je n'ai jamais voulu en parler, je ne voulais pas vous faire de la peine, surtout après la mort de Papa.

Depuis que je suis né, j'ai mal. C'est bizarre dit comme ça mais c'est vrai. J'ai toujours regardé autour de moi en me demandant comment le monde pouvait être ainsi. J'ai toujours regardé les gens en me demandant s'ils étaient heureux. La vérité, je l'ai vite sentie, est qu'ils ne sont pas heureux et ne le seront jamais. C'est ma vérité à moi. J'ouvre les yeux et je vois le monde souffrir. Je n'ai jamais réussi à le voir autrement.

Je me réveillais tous les matins avec la poitrine compressée et je ne savais pas ce que j'allais faire aujourd'hui pour avoir le moins mal possible. J'avais mal au cœur, mal au ventre, ma tête me hurlait de rester dans le lit toute la journée pour éviter de confronter le monde. Je ne pouvais pas, tu le sais bien, il faut travailler, aller à l'école, obéir aux ordres.

Puis Papa est mort. J'étais encore jeune, je n'avais pas encore dix ans, et je trouvais ça injuste. Je vous voyais souffrir mais moi je n'avais plus vraiment mal. C'était différent. Depuis la mort de Papa, je suis vide. Au début, je pensais que ça irait mieux et que, peut-être, tous les enfants souffraient avant de finalement voir la douleur disparaître en grandissant. Mais les autres enfants du district n'avaient jamais été comme moi. Ils arrivaient à s'amuser vraiment, ça se voyait sur leurs visages. Alors j'ai compris que je n'étais pas normal.

La douleur d'avant la mort de Papa n'est plus là, remplacée par le vide, mais j'ai découvert au fil du temps que le vide fait mal à sa façon. J'ai essayé d'être heureux Clarke, j'ai vraiment essayé, mais je ne sais pas comment ça fonctionne, ce qu'on doit faire pour se sentir bien. C'est censé être naturel mais chez moi ça n'a jamais été le cas. Si j'avais pu t'en parler, je t'aurais demandé : comment peut-on être si jeune et souffrir autant ? Pour rien. Ou pour une raison inconnue. Cela t'aurait blessée, c'est pourquoi je ne t'en ai pas parlé. Je ne voulais pas te faire souffrir en te laissant savoir que je souffrais.

La Moisson, c'était une chance inestimable. Tiré au sort, envoyé vers une mort probable. Je n'avais jamais songé à en finir avant, parce que ça vous aurait fait trop mal à Maman et toi. Je suis resté pour vous. Aller aux Jeux, je ne l'ai pas choisi. Je te l'ai dit, je ne veux pas vous causer de mal. Le choix a été fait pour moi. Je ne peux que saisir ma chance.

Je vais écrire quelque chose et j'espère que tu ne m'en voudras pas. Je te demande juste de lire attentivement.

La veille des tests, j'ai été voir Lexa dans sa chambre. Elle a vu mon air concerné et m'a demandé ce qui se passait. Je lui ai dit que je devais lui parler de quelque chose d'important et elle a accepté. Je me suis assis en face d'elle sur son lit et j'ai commencé à expliquer ce que je t'ai dit. Avant qu'elle ne puisse réagir, j'ai lancé ma requête. Je veux qu'elle gagne. Je le veux, pour elle et surtout pour toi. Elle s'est levé et a crié.

Victoire nébuleuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant