1. Le Masque

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Mardi 5 Février

Pdv Raven

Encore un jour de plus à devoir endurer leurs conversations absurdes et ennuyantes, leurs rires forcés et leurs regards appuyés. Encore un jour de plus à devoir rester assise sur une chaise pour écouter les professeurs parler de choses qui ne m'intéressent pas le moins du monde et dont je ne me souviendrais pas l'heure d'après. Encore un jour de plus à devoir enfiler ce masque qui ne me correspond pas, faisant disparaître la personne que je suis réellement pour l'échanger contre l'être parfait qu'ils veulent tous voir.

Je ne suis pas cette adolescente épanouie, altruiste et sûre d'elle, et pourtant c'est de cette manière qu'ils m'imaginent tous. Ils en sont convaincus, simplement parce que c'est ce que je veux leur montrer, mais la vérité, la vraie moi est bien différente. Cette personnalité que je me suis créée n'est qu'un mur me protégeant du monde, d'eux plus particulièrement. La vérité, c'est qu'intérieurement, je me sens vide et brisée, je n'ai pas l'impression d'avoir accompli quelque chose de bien dans ma vie, je sais qu'il me reste de nombreuses années à vivre, que je suis jeune et que j'ai du temps devant moi, mais cela me frustre énormément. 

Lorsque j'entends les autres raconter ce qu'ils ont fait hier, pendant les vacances ou bien des années avant, cela semble merveilleux, tout droit sorti d'un film ou d'un dessin animé, puis quand à mon tour je réfléchis à mes dernières vacances, c'est le noir complet. Je ne suis jamais partie en vacances et de toute manière, comment et avec qui aurais-je pu partir ? Mon père adoptif n'en a que faire de moi, il ne rentre à l'appartement que le week-end pour voir ses amis au bar, le reste de la semaine je dois me débrouiller seule avec les sous qu'il me laisse de côté. 

Je sais pertinemment qu'il ne veut pas mal faire mais c'est plus fort que lui, j'ai grandi et je suis indépendante, alors il en profite pour rattraper les années qu'il a perdu à devoir s'occuper de mes innombrable crises d'enfant abandonné. Au fond, je lui en veux peut-être un peu de ne plus me porter d'attention mais j'arrive à ne pas m'accrocher à cet espoir qu'un jour, il redeviendra ce père que je n'ai jamais eu. Il est le seul de mon entourage à connaître mon passé, les raisons des mes cauchemars et de mes pleurs, mais il est aussi le seul à qui j'ose montrer mon vrai visage. Devant lui, je n'ai pas peur de qui je suis.

Mes pensées furent très vite interrompus par la voix calme d'Aliénor, elle remarquait immédiatement quand je décrochais des conversations ou des cours et n'hésitait pas à me ramener sur terre dès qu'elle le pouvait. Elle ne savait rien de mon passé et n'avait jamais essayé de me forcer à lui raconter ne serait-ce qu'une partie de celui-ci, elle comprenait mon silence et je lui en serais toujours reconnaissante.

- Tu manges bien ici à midi ? Me demanda-t-elle plus pour m'empêcher de m'évader encore que pour avoir une réponse.

- Normalement oui.

La discussion, qui ne menait nulle part de toute façon, fut rapidement coupée par l'entrée du professeur dans la salle de cours, ainsi que d'un élève inconnu.

Les cours de littérature anglaise étaient pour la plupart du temps intéressants et m'aidaient beaucoup à ne pas retomber dans mes pensées, là où tout se bousculait en permanence. Nous parlions de livres, poésies, pièces de théâtre et nous étions de plus en plus amenés à écrire nous-même des histoires, en groupe comme tout seul. C'était dans ce genre de moment que je me sentais le mieux, l'écriture était un moyen de retranscrire ce que je ressentais sans que personne ne se doute que ce n'était pas inventé, mais bien tiré de ma vie. Je me souvenais de ce jour, lorsque mon professeur m'avait demandé de rester quelques minutes de plus pour parler d'une chose importante.

Il s'était rendu compte, à travers mes écrits, que certains sentiments et certaines émotions revenaient à chaque fois, je ne pouvais pas écrire une histoire toute rose, sans drame, sans perte ou sans mort. Et c'était tout bonnement impossible que je change cela, l'écriture reflétait la réalité, je ne pouvais pas faire en sorte que tout ce finisse bien comme dans un conte de fée. C'est à ce moment là que mon professeur a compris que les histoires que j'écrivais n'étaient que le miroir de ma vie et que c'était ma manière de m'exprimer.

L'Écho de tes pleurs [RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant