Tic tac

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103 moutons. 104 moutons. Je n'arrivais pas à dormir. 105 moutons. Le temps passais. J'entendais les volets claquer. 107 moutons. La porte d'entrée grinça. Le tic tac régulier de l'aiguille s'arrêta. Un silence lourd et pesant sembla alors m'oppresser, me comprimer la poitrine.
Je commençai à gigoter, à essayer en vain de me soustraire à cette atmosphère étouffante. Mais elle semblait être plus forte que moi: elle me dominer sans peine. Pourtant j'essayais vraiment de lutter contre cette force malicieuse qui semblait décidée à me tirer vers le fond. En réaction, mon instinct de survie pris le dessus: il voulait m'immerger hors de ses eaux sombres. Survivre était alors mon seul objectif. J'eus​ l'impression que cette lutte durait des heures et des heures pendant lesquelles nous essayâmes tous deux avec acharnement de vaincre l'autre. Mais pendant ce qui semblait être la dernière bataille, j'eus un moment de doute qui me fut fatal.
En effet , je me demandais enfin pourquoi l'aiguille s'était arrêtée soudainement . Pourquoi je n' allumais pas simplement la lumière pour chasser une bonne fois pour toute ces ombre ? Pourquoi en effet la logique et la réalité n'essayaient que maintenant d'intervenir, juste avant que je ne sombre ? En effet la noirceur emplit de sa nouvelle victoire m'enveloppait d'un coup semblant m'étouffer dans cette chaleur oppressante. L'air se raréfiait, mes poumons semblaient en feu. Le souffle court, les gouttes de sueur perlant sur mon front, je sus que ma fin était proche. Je n'en étais pas très loin mais au moments où je fermais les paupières , acceptant enfin ma réddition, les ténèbres s'éloignèrent emportant avec elles la chaleur et la pression de la pièce.
Confuse, j'ouvris les yeux , l'esprit en alerte à la recherche de ce qui avait pu faire fuir les ombres . Et là, je la vis , ou plutôt je l'aperçus, cette présence froide et immatérielle. Un frisson me parcourut l'échine. Je commençais à trembler tellement de fois que je commençai presque à en regretter la chaleur étouffante des ombres . En effet, cette fois-ci il n'y avait même pas de lutte . L'issue était claire pour moi tout comme pour la présence. Elle me serait fatale, c'était inévitable. Tout se déroula très vite, la présence s'approcha de moi, de plus en plus proche , de plus en plus froide. Aucun mot, aucune expression ne pouvait décrire ce que je ressentais. J'eus l'impression de mourir cent fois, à chaque pas qu'elle faisait vers moi, de me noyer dans ma souffrance, d'étouffer dans mon supplice, de me briser en un millier de fragments de désespoir. Tic tac.
L'aiguille repris son trottinement sans se soucier de l'épreuve terrifiante que j'avais vécue . Tout semblait revenir à la normale, dès que ce son familier et rassurant revint : le monde semblait avoir pris connaissance. Je dus admettre que ce sombre épisode n'avait pas d'explication rationnelle. Je ne savais même pas si il avait duré des heures ou une seconde. Je pris la décision d'essayer de ne pas y accorder trop d'importance. 109 moutons. 110 moutons .

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