Devant la maison de ma tante, les garçons m'attendent pour charger mes affaires dans la fiat panda de Fred. Heureusement que J-F nous rejoint demain parce que je sais pas comment on serait rentré dans son cube à roulettes! Et surtout, je suis bien contente de n'avoir que trois cartons et une valise.
- C'est tout c'que t'as? me demande-t-il
- Tu rigoles! Heureusement que c'est tout c'que j'ai! Tu comptais me faire monter sur le toit?
Jean-François et ma tante Millie sont morts de rire.
Fred, lui, fait la moue. Est-ce que j'aurais vexé le petit Fredo? Oh, le pauvre!
- Allez, tête de truffe, on y va ou quoi? ajoutai-je pour enfoncer le clou, et en lui lançant un clin d'oeil.
- Monte et ferme là.
Puis il ajoute pour son frère :
- Putain, je sens que ça va être long ce trajet! Et il claque la portière.
Je m'installe à mon tour côté passager et me penche sur la vitre, pose mes lèvres et souffle comme une débile, ce qui fait encore plus rire mon cousin et ma tante qui tentent malgré tout de nous faire un signe de la main pour nous dire au revoir.
La voiture tressaute et nous voilà parti pour la grande ville. Il n'y en a que pour 45 minutes mais vu la tronche de mon cousin, ça risque d'être interminable.
Nous sommes dimanche et il n'y a pas trop de monde sur la route. Je commence les cours jeudi? C'est bizarre de commencer les cours un jeudi mais bon!
- Tu commences les cours quand, toi? tentai-je
- Jeudi.
- Ah bon? Moi aussi! C'est bizarre non de commencer un jeudi!
- Mouais.
- Tu trouves pas ça bizarre, toi?
- Si.
- Ok super!
- Quoi?
-Rien, rien.
Et le silence se réinstalle dans l'habitacle devenu légèrement étouffant.
Mais j'ai l'habitude avec Frédéric, je ne me formalise pas le moins du monde! Dans une heure il aura tout oublié mais là, il veut marquer le coup, montrer qu'il est vexé , c'est tout.C'est marrant comme les jumeaux peuvent être semblables et différents à la fois. Frédéric, c'est le sérieux du duo. Il est brillant, cultivé, aime que tout soit à sa place (c'est un peu pénible d'ailleurs!). Il s'habille toujours pareil : polo, jean, converses et casquette. Un vrai petit joueur de Baseball américain! Ses cheveux blonds sont coupés très court ce qui renforce encore plus son côté froid et sévère. Il n'empêche qu'il a beaucoup de succès avec les filles, peut-être parce qu'il semble inabordable. Ça doit bien les exciter ça les minettes!
Il entre en deuxième année de droit. Je suis persuadé qu'il fera un excellent avocat. D'abord parce qu'il est intelligent et aussi parce que quand on était petit et que je me chamaillais avec J-F, c'était toujours lui qui réglait les problèmes en écoutant chaque partie et en tranchant de façon juste pour que la bagarre cesse. Je me souviens d'une fois où il a partager son goûter en deux et nous l'a distribué pour que l'on arrête de se disputer sur la taille de notre part de gâteau! Enfin, je sais que je peux compter sur lui. Il est franc et honnête mais quelquefois, il est un peu borné. Il faut seulement attendre que ça passe.
Jean-François, lui, c'est tout le contraire. Enfin, je veux pas dire qu'il est malhonnête et menteur, pas du tout! C'est juste qu'avec lui, on ne sait jamais à quoi s'attendre! L'an dernier, il était en sociologie et cette année il entre en première année pour être infirmier. Quand on lui demande quelles sont ses motivations, il répond "les infirmières bien sûr!" C'est vraiment un bouffon mais je l'adore. On est très proche lui et moi. Il est super drôle et m'amène partout avec lui depuis qu'on est en âge de sortir seuls. Contrairement à son frère, il a les cheveux légèrement longs et toujours décoiffés. Avec ses tee-shirts trop grands et ses pantalons larges, il fait plus jeune que Fred. Faut dire que niveau maturité, il est carrément plus jeune! Mais je crois que son côté désinvolte cache en fait un garçon secret et sensible, beaucoup plus profond que ce qu'il laisse paraître.Nous passons les zones industrielles des abords de la ville, je commence à stresser un peu. Dans quelques minutes, je vais aménager dans le même appartement que lui et il va falloir que je garde mon sang froid pour ne pas rougir ou bégayer quand je le verrai. Les garçons vivent ensembles depuis un an déjà et même si les jumeaux et Mathias m'ont bien fait comprendre qu'ils étaient super contents de m'accueillir, je sais pas du tout dans quel état d'esprit se trouve Malik! Oh et puis merde! Je vais pas me prendre la tête pour un mec! Et encore moins celui là! En plus c'est le frère de Mathias alors il est hors de question que qui que se soit comprennent que j'ai des sentiments pour ce grand con! Si Mathias s'en aperçoit, c'est la cata! Et puis d'ailleurs, je suis même pas sûr de ressentir encore quelque chose pour lui! Ça fait deux ans que je l'ai pas vu et il a dû changer! Vu sa réputation de super star de la fac, j'imagine le gros blaireau qu'il a dû devenir. Les sportifs populaires qui se déplacent avec leur cour de pom-pom girl, non merci, très peu pour moi!
Ça y est, on arrive. Je reconnais l'immeuble en briques rouges où vivent les garçons.
Frédéric tire le frein à main et sort de la voiture. J'attrape mon sac en toile à mes pieds dans lequel j'ai fourré mes indispensables, porte-feuille, doliprane, serviettes hygiéniques de secours, gloss transparent à la framboise, mini déo et téléphone. Oui je sais, je possède un sac de fille tout à fait normal, mais ça, moi seule le sais!
- Meli? Je prends ta valise et on viendra chercher tes cartons plus tard, j'ai envie de me poser un peu.
- Non, mais c'est bon, je m'en charge, t'as qu'à monter ma valise, je te rejoins, laisse moi les clés.
- Reflexe! me lance Fred en me jetant son trousseau.
Je le rattrape in extremis et le glisse dans la poche de ma veste en jean en m'adossant à la voiture. Je sort mon paquet de Benson, m'allume une cigarette puis souffle la fumée sur la mèche de cheveux qui me tombe devant les yeux. Un rayon de soleil me réchauffe le visage et m'oblige à fermer les yeux. Je m'appuie davantage sur la carrosserie et penche la tête en arrière tout en tirant sur ma clope. Le pied!
Un sifflement me sort de ma méditation. Mais quel est l'abruti qui ose me siffler! J'ouvre les yeux avec difficulté à cause du soleil et aperçois un grand gars qui s'introduit dans mon immeuble puis disparaît. Oh le blaireau! En plus il vit dans mon bâtiment! Si je le chope celui là!
J'écrase ma cigarette du bout de mon pied et entreprend de sortir les cartons de la voiture. Je décide d'en prendre seulement deux car déjà, je ne vois plus devant moi. Je claque la portière d'un coup de talon et me dirige vers la porte d'entrée. Arrivée devant l'immeuble, je me contorsionne pour ouvrir sans avoir à poser les cartons au sol. Et oui, pas de perte de temps! Mais il est fort possible que je me fasse un tour de rein et que je reste clouée au lit une semaine! Rien à faire! Je ne poserai pas ces cartons! Plutôt mourir!
Oh mais tiens tiens tiens! Qui vois-je qui redescend l'escalier en jogging! Ce serait pas l'abruti de toute à l'heure? J'ai du mal à le distinguer d'ici mais à sa corpulence, je dirais que c'est lui! Mais qu'est-ce qu'il attend? Que je me transforme en statut? Putain je crois que j'ai une crampe à la cuisse!
- Putain, mais tu va l'ouvrir cette putain de porte, abruti!
L'autre idiot ouvre enfin et me tiens la porte grande ouverte. Les cartons m'empêche de voir son visage mais il a l'air vraiment costaud. Je commence à grimpé les escaliers et l'entend baragouiner un " pas d'quoi mec!"derrière mon dos. Je pose alors mon fardeau, me retourne lentement et croise son regard. Le plus beau regard que j'ai jamais vu. Des yeux bleus très clair tranchant avec ses cheveux noir corbeau et sa peau mate.
- Amélia? C'est toi? me dit-il visiblement étonné.
Ne pas bégayer, surtout, ne pas bégayer! Je prend une grande respiration et rassemble tout mon courage pour répondre:
- Malik! Salut! Ouais d'accord, c'est pas terrible comme réponse mais là franchement, j'ai l'impression que mon coeur va sortir de ma poitrine alors c'est déjà pas mal!
- Tu aménage aujourd'hui?
- Oui. Ok toujours aussi nul, il faut que je me ressaisisse!
- Bon ben à toute! Je vais courir une heure, on se boit une bière ce soir pour fêter ça?
- Ok.
Malik fini par sortir et moi par m'asseoir sur une marche, blasée par mon attitude de midinette sans cervelle.
- Qu'est ce que tu fous? m'hurle Fred du deuxième étage. Tu veux de l'aide?
- Oui s'te plait, y a encore un carton.
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TOMBOY
ChickLitQuelquefois, on est obligé de prendre du recul pour voir ce qu'on a juste sous les yeux. Lorsqu'on est trop proche de l'évidence, elle devient floue, s'étiole et se dissipe jusqu'à devenir transparente. Voilà ce que j'étais. Transparente. Heureusem...