Le vent souffle, faisant s'envoler avec lui les dernières traces de l'automne. Les tapis de feuilles mortes qui craquaient à chacun de mes pas, ne sont plus que poussière. Le froid glacial précurseur des premières grippes et lui aussi présent dans ce beau tableau blanc que nous peint l'hiver.
Là, dans cette blancheur angélique, personne ne se doute que cette page de pureté peut être la dernière tournée pour ma sœur, atteinte de la tuberculose.
J'ai peur.
Les couloirs autrefois empli d'un rire semblable aux clochettes que l'on attache dans les arbres au printemps, sont aujourd'hui silencieux. Ce silence pesant est brisé par les pas des domestiques et des médecins inquiets.
Quand reviendrons les jours heureux ? Les reverrai-je, reverrai-je l'étincelle dans les yeux de ma sœur ? Aurais je une nouvelle fois l'occasion de me faire réprimandé par cette dernière pour mon tempérament non conventionnelle ?
Je ne sais pas, je ne sais plus, je me sent tellement seule dans cette demeure silencieuse. Je voudrais partir, me cacher, là où la vérité de ce monde n'existera plus, là où tout est sous contrôle. Je ne peux rien faire, je n'ai la main sur rien, je suis là, inutile, les yeux perdus dans le vague, les mains tremblantes, même pas capable de traverser le couloir pour voir ma sœur affaibli, le regard blafard, ses beaux yeux noisettes autrefois pétillants maintenant si ternes, si vides.
J'ai peur.
Ma petite sœur, recroquevillé dans son lit, nageant dans sa chemise de nuit maintenant trop grande pour elle.
Comme je haï cette maladie, comme je haï cette maudite chemise de nuit, blanche, tellement blanche, tout est blanc, rien est blanc, je ne comprend plus. Je me perd, je me sent sombrer petit à petit dans cette profondeur blanchâtre. Je ne voit plus rien, plus rien que ce petit corps frêle, je ferme les yeux mais je le vois toujours ce corps et ces yeux éteins. Je me cramponne au drap mais il n'y à rien à faire, je m'éloigne toujours de plus en plus, on me repousse loin. Mais je ne veux pas partir.
J'ai peur.
Bientôt je ne distingue même plus son corps, mais où est il ? Je cris cri son nom, je ne comprend pas, où est elle. Je ne distingue qu'une vague silhouette recouverte d'un drap blanc, je haï le blanc, je haï cette blancheur qui remplace ma sœur. Je sent des mains me tiraient en arrière mais je ne comprend pas. Je n'arrive pas à détacher les yeux de ce corps immobile, dans un élan je tente de la serrer contre moi, de la bercer comme un bébé, j'arrive même à murmurer quelques paroles d'une chanson qu'elle affectionne tant. Mais, où est elle ? Pourquoi tout le monde pleure ? Pourquoi je ne voit plus ses yeux noisettes ? Pourquoi je sent que l'on l'enlève de mes bras ? Je ne peux rien faire.
Rien, seulement regarder ce corps immobile que je ne reconnaît plus. Quand est elle partie ?
Pourquoi sommes nous impuissant ? Pourquoi nous ne sommes là que pour la voir s'éteindre.
Mes yeux ce brouille et la blancheur de l'hiver se referme sur moi et mon petit monde. Et je tombe, tombe, quand es ce que cette chute prendra fin ? J'attends l'impact, il ne vient pas. Et je continu de tomber dans cette blancheur spectrale, elle m'enveloppe, m'étouffe, j'ai besoin d'air. Il faut que je respire. Je tombe toujours, seule, perdue, incapable de mettre fin à ma propre chute. Quand es ce que j'ai commencer à tomber ? Je ne m'en souviens plus. Il y a des jours, peut être des semaines, des mois, je ne sais plus, je ne comprend pas.
J'ai froid.
Le monde est étrange. J'ai du mal à distinguer se qui m'entoure, comme si un voile blanc c'était posé sur mes yeux. J'ai cessé de tomber, j'ignore quand cela est arrivé. Ou peut être pas. Suis je toujours entrain de tomber finalement ? Je n'ai ressentit aucun impacte, comme si le froid anesthésiait et brouillait tout mes sens.
J'ai peur.
Tout est blanc, tout est toujours blanc. Le ciel est blanc, l'air que je respire est blanc...
Tout se mélange, je ne comprend rien. L'être humain est peut être condamné à attendre l'impact. Nous sommes tous condamner à tomber, tomber sans voir le bout, puis d'un coup tout s'arrête.
La neige donne l'impression que tout s'arrête. Un soir tout va bien, vous vous couchez, et le lendemain tout est blanc. Cette fourbe neige c'est posé tranquillement, recouvrant tout, effaçant tout et avec elle le vide. C'est terrible le vide, car on ne peut pas le contrôler, c'est comme ça.
On ne contrôle pas tout. On ne contrôle pas l'impact, on l'attend.
Mais il ne vient pas. Il sait se faire désirer, c'est comme ça qu'il nous contrôle, on ne sait pas quand il sera là, mais nous savons qu'il viendra. Il vient toujours.
J'ai peur.
Je pense à ma sœur, seule dans son lit, sous son drap blanc. Ma sœur. Qui est elle ? Où est elle ? Je ne m'en souviens plus. Qu'es ce que je fais ici ?
A oui je tombe.
Toujours.
Mais yeux se sont habitué à la blancheur. Je crois discerner des ombres, blanches elles aussi. Je sens que l'on me touche le bras. Comme une caresse, comme un battement d'aile. Doux, rassurant.
Un monde étrange apparaît, peuplé d'oiseau, de oiseau blanc. Si blanc, si beau, si froid.
J'ai peur.
Les oiseaux de glaces existe t-il ? Ce sont eux qui apporte la maladie ? Pourtant c'est agréable, il te touche, te frôle et t'emporte, sans que plus rien ne rien t'importe.
Je m'enfonce de plus en plus. Des murs de roches m'entoure. De drôle de créature, me regarde, je ne les voit pas très bien, mais je les entend chuchoter. Ils ont peur. Mais il ne tombe pas eux. Ils se contentent de me regarder, je leur crie de m'aider, il faut que je remonte, ma sœur à besoin de moi. Mais il s'en fiche. Ils ne peuvent rien faire. Je leur tant la main mais il ne la prenne pas, alors je continu de tomber.
Tout défile dans ma tête. Les souvenirs, les visages. Qui sont ils ? Je ne sais pas, je ne sais plus. J'ai oublié. Quoi ? Quand ? Qui ? Je ne me souviens, que d'un drap blanc, je ne suis plus vraiment sûre de qui est dessous. J'étouffe. La blancheur m'étouffe.
J'ai peur.
J'écarte les bras, comme pour battre des ailes. Mais je ne suis pas un oiseau. Alors je sombre. Il y a toujours de l'espoir. Pourtant je suis fatigué de lutter, de lutter contre cette chute. Oui fatigué, épuisé, éreinté et j'ai peur.
On dit qu'on le sent, que juste avant l'impact on le sait. On le sait qu'il va nous frapper.
C'est faux. On ne sait pas. On ne sait rien. On tombe, on tombe tellement longtemps que l'on oublie que l'on tombe. On ne le sent pas, on ne sais pas. On en sait rien.
On ne contrôle pas tout. Heureusement, enfin je pense. Sa deviendrai lassant de tout contrôler, de tout savoir. On ne se sentirait plus vraiment vivant.
On ressent juste un grand froid, un vide... Puis plus rien. Rien.
Je n'ai plus froid.
Je n'ai plus peur.
Je ne tombe plus.
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Hiver blanc
PoetryUne nouvelle, où le froid et la peur de l'impact peindrons le tableau d'une maladie mortelle. Une jeune fille perdu, ne sachant plus distinguer la réalité de l'illusion. Survivra t'elle à l'impact ? Le pouvons nous vraiment ?