~Danse avec moi~

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<<Elle est partie trop tôt...>>

Cette phrase tourne en boucle dans mon esprit. Evidemment que c'était trop tôt. Ça l'aurait toujours été de toute façon. À vingt, quarante, quatre-vingt... Même à cent ans, ça aurait été bien trop tôt que de te perdre. Tu n'aurais jamais dû partir. Tu aurais dû rester pour danser.

<<Tu devrais aller chez toi pour te reposer un peu.>>

Je ne réponds pas. Si je rentre, je sais que je te retrouverais là-bas. Tu m'attendras, le sourire aux lèvres, me suppliant pour que je joue du piano. Je ronchonnerais légèrement mais finirais évidemment par céder et tu te réjouiras de ton énième victoire. Tu te mettras alors à danser sous mes yeux dès que j'eus enclencher les premières notes. Et ce sera ainsi jusqu'à ce que tu t'écroules de fatigue.

<<Tu veux venir à la maison? Tu seras moins seul.>>

Je continuai de te regarder sans prendre la peine de lui répondre. Je sais bien que ça le fatigue de me voir dans cet état. J'ai entendu son lourd soupir de désespoir. C'était l'un de vos points communs : votre exaspération face à mon mutisme. Maintenant, il devra endurer ce silence seul.

Il pose délicatement sa main sur mon épaule, comme si j'allais m'effondrer à un mouvement trop brusque. Qu'un courant d'air me ferait perdre la tête. Qu'un mot de travers m'écorcherais à vif. Il la tapote pour me saluer pour ensuite rejoindre sa femme et sa fille dans la voiture. J'entends ma nièce demander pourquoi je reste à fixer une tombe, pourquoi je ne rentre pas avec eux... Je me rappelle à quel point tu aimais cette petite et son habitude à poser trop de question. Tu étais aussi une grande bavarde. Quand je te le faisais remarquer, tu t'amusais à me répondre "je dois bien parler pour toi!". Ta voix me manque, tu sais.

Je fixe ta tombe un long moment, si concentré que je n'entends même pas la voiture démarrer. Je regarde ton nom inscrit avec cette petite phrase juste en dessous :

"L'étoile la plus brillante dans le ciel."

Je souris bêtement en la relisant dans ma tête. Même ici bas, tu étais la plus brillante parmi nous. Tes cheveux d'un blond étincelant, tes lunettes aussi jaune que le soleil, ton sourire resplendissant... Tu brillais d'autant plus lorsque tu dansais. 

Je me mets en marche vers notre chez nous tout en me remémorant tes pas de danses si délicat que tu répétais sans cesse. Tu me demandais de jouer "Once Upon A December" sur mon piano tandis que tu t'exercerais. Je pouvais alors jouer tout en t'observant. Tout ce que j'aimais dans une même pièce. 

J'enlève mes chaussures avant d'entrer et pars dans notre salon. On avait dû chercher durant des mois afin de trouver un salon qui pourrait te satisfaire. Il te fallait toujours plus de place pour danser. Je marche lentement vers mon piano, le clavier encore ouvert de la dernière fois. Je m'assois sur le siège et caresse lentement les touches. 

<<Chérie, joue mon morceau s'il te plait.>>

Je sais bien que tu n'es plus là et que, j'ai beau t'imaginer auprès de moi, tu ne reviendras plus. Malgré cela, je m'exécute à ta demande. La mélodie s'éleva dans l'air et je vis ton corps se mettre à bouger devant moi. La concentration dans ton regard, la douceur dans tes mouvements, la joie sur ta bouche... Comme si tu étais là. 

J'accélère la cadence et ton sourire malicieux capture tes fines lèvres. Tu accélères à ton tour, te mettant en tête d'aller plus vite que moi. Je le comprends à ton regard enflammé. Tout va toujours plus vite mais tu parviens à suivre le rythme effréné. Le morceau s'achève. La dernière note résonne dans toute la pièce jusqu'à laisser la place au silence. Premier silence que j'entends depuis que je t'ai rencontré. Tu ne pouvais vivre sans musique. Et tu n'as pas pu mourir sans musique.

Je reprends mon souffle après cette danse endiablée. Je t'entends me murmurer "recommence" et suis submergé par ta voix si tendre. Tu hantes mes pensées. Les larmes me montent aux yeux. Je me noie dans mes larmes comme dans mes souvenirs. Toutefois, je me remets à jouer. Encore et encore, toujours plus vite. Tu ne sembles même pas te fatiguer. Tu tournes toujours plus longtemps, tu sautes toujours plus haut... Tu m'éblouis toujours plus. Pourtant, tu t'arrêtes subitement au milieu du morceau. Ta cage thoracique se lève et s'abaisse rapidement, s'accordant avec ton souffle court. Un large sourire orne ton visage radieux et tu me tournes le dos. Je ne comprends pas. Je me lève et tente de t'approcher. Tu disparais soudainement en ne laissant qu'une mélodie derrière toi. 

Je me souviens alors du jour où tu t'écroulas sur scène. Ce moment où tu supplias Dieu de terminer le spectacle. Cet instant où tu tendis ta main vers le ciel, mais que la seconde d'après, elle retomba brusquement au sol. C'était ta dernière danse. Tu es à présent morte sans avoir achevé ton ballet.

My Little BallerinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant