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Tout le début de semaine, Liane n'avait rien changé dans son comportement. Elle ne parlait pas, était souvent seule, rien qui ne pourrait alarmer les professeurs ou les élèves. Lorsque les professeurs appelaient Tiana pour les présences, son cœur se serrait, mais elle restait muette. Madame Artémis n'avait pas encore prévenu le  lycée du décès de l'adolescente. Elle n'était pas  prête. Elle n'était pas prête à amener les policiers municipaux à faire une enquête sur les raisons de son suicide. Peut-être même que ça n'arriverait jamais.

Alors qu'elle réfléchissait aux raisons qui auraient pu pousser Tiana à commettre l'irréparable, elle croisa Theos dans le couloir. Leurs regards se rencontrèrent, et là, elle comprit qu'il fallait qu'il sache ce qu'il avait fait. Elle était certaine qu'à cause de lui, Tiana était partie.

"- Faut que je te parle, lui glissa-t-elle discrètement.

- Quand?

- Maintenant, ordonna-t-elle en le prenant par le bras. 

- Mais j'ai c...

- Ferme-la, c'est important.

  Ils sortirent de l'établissement et s'installèrent sur les bancs en face. Theos semblait perturbé: il n'avait jamais parlé avec Liane. Comme la rumeur le disait, il la pensait muette.

- Bon, qu'est-ce que t'as à me dire?

- Tiana... est morte.

- Hein? Non seulement t'es pas muette, mais en plus tu racontes n'importe quoi. Je me casse, déclara-t-il en se levant.

- Theos. Regarde-moi.

Il s'arrêta et plongea ses yeux verts dans les siens. 

- Est-ce que j'ai l'ai de mentir? Qu'est-ce que j'aurais à gagner en te faisant croire que ma meilleure amie est morte?

- Personne ne  peut savoir ce qu'il se passe dans la tête d'une mythomane. 

- L'enterrement a lieu jeudi. Viens, si tu ne me crois pas. J'expliquerai à sa mère que tu es son ami. Elle acceptera. 

- D'ici-là, je continuerai à te taxer de menteuse. Je ne te fais pas confiance, Liane."

  Elle haussa les épaules en le regardant s'éloigner. Elle savait qu'il réagirait ainsi, elle s'était contentée de semer le doute dans la tête de Theos. Elle le laisserait se poser des questions jusqu'à jeudi, quand il verrait le cercueil, l'enterrement, les cérémonies où le nom de la défunte serait prononcé plus que de raison. Il fallait qu'elle soit patiente.

Le soir, elle se rendit chez la famille en deuil pour "prendre es nouvelles", autrement dit: s'y réfugier. Elle salua Isabelle Artémis et Rachid Artémis puis accepta une boisson et des Tuc.

"- Ses préférés... sanglota Madame Artémis, humidifiant son gâteau salé.

- Il va être trop salé si tu pleures dessus, ma chérie, répondit Rachid Artémis en passant un bras courageux autour des épaules de sa femme.

- Je peux vous demander quelque chose? fit Liane doucement.

- Oui, bien-sûr.

- Est-ce que Theos, un ami de Tiana, pourrait venir à la cérémonie? Il a du mal à se rendre compte et... voilà.

- Oui, il peut. Mais je n'ai jamais entendu parler de lui... C 'est un camarade de classe? demanda Isabelle en essuyant ses joues rougies.

- En seconde, on était tous les trois dans la même classe. Ils se connaissaient bien.

   Sans plus de racolage, ils finirent leur triste apéritif silencieusement. Vers dix-neuf heures, Liane voulut rentrer chez elle. 

- Tu veux manger avec nous? "

La jeune femme prit peur. Devait-elle décliner l'invitation? Rester avec eux? Passerait-elle une meilleure soirée seule dans sa chambre ou en compagnie de parents en deuil? Elle accepta.

  Le repas se passa normalement, Rachid avait pris soin de mettre de la musique en fond pour réchauffer les silences. "Quel père attentionné" pensa-t-elle en dégustant le gratin de pâtes et les courgettes revenues à la poêle. Ce plat délicieux sembla, le temps du repas, apaiser le feu de leurs âmes écorchées. Les odeurs, la convivialité- malgré la situation-, les goûts, la musique, il y avait là tous les éléments qui faisaient d'un repas un bon repas. Et Liane regretta furtivement la promesse muette de ses cinq ans.


son cœur briséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant