Genèse 2.0

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GÉNÈSE 2.0

Le professeur s'attarda durant un bref instant sur la vingtaine de jeunes visages souriant qui le regardaient. Il ne s'était essayé à enseigner l'Histoire, pour les enfants, que depuis quelques semaines, mais il prenait déjà ses marques, et avait un bon contact avec ses élèves. Dans cette classe-ci, ils avaient tous entre huit et neuf ans.

— Matérialisez vos feuilles numériques.

Les enfants s'exécutèrent. Après avoir tapé le nom de l'objet dans le menu « rechercher » de leur montre-sac, ils la matérialisèrent en pressant le bouton correspondant, sur l'écran tactile. « Lundi 21 Avril 4013 », tapa le professeur, sur sa propre feuille. Dans son dos, une projection holographique rendait compte à toute la classe de ce qu'il y faisait. D'un glissement de doigt, il envoya l'information, qui s'afficha sur la feuille de chacun des élèves.

— La leçon d'aujourd'hui portera sur la magie, un concept qui a perduré jusqu'au milieu du troisième millénaire.

Le titre « La magie, du début des civilisations au milieu du IIIème millénaire », s'afficha en gros caractères, sur chaque feuille.

— Mais avant de commencer cette nouvelle leçon, j'aimerais que nous revoyions rapidement ce que nous avons fait depuis le premier cours. Quelqu'un peut-il me dire combien de grandes époques historiques nous distinguons ?

Tout en parlant, en quelques clics, Faraï Binaire avait verrouillé la partie « cours » de leur feuille numérique. Bien sûr, ils avaient toujours accès au Réseau. Tout le monde avait toujours accès au Réseau, quel intérêt de les en priver ? Empêcher quelqu'un d'y avoir accès était même l'une des principales atteintes aux droits de l'homme. Mais certaines choses ne s'apprenaient pas aussi facilement sur le Réseau, en autonomie, et recourir aux méthodes traditionnelles était bien plus pratique et agréable. Enfin, selon le Gouvernement. Le même Gouvernement qui jugeait bon, pour l'épanouissement personnel de quelqu'un, qu'il soit capable d'apprendre, d'engranger et de réutiliser toutes sortes de connaissances variées, sans faire sans cesse appel au Réseau ou a tout autre base de données. Encore heureux qu'ils ne forçaient personne ! Mais après tout, pourquoi devait-on garder des habitudes traditionnelles complètement dépassées, quand on pouvait faire, maintenant, tellement plus qu'avant ? Le Gouvernement n'était peuplé que de conservateurs frileux, incapable de voir plus loin que le bout de leur nez. Et le pire, c'est que l'immense majorité de l'humanité, que ce soit ici, sur Terre, ou bien sur Mars ou sur satellite Europe, les rejoignaient dans ce raisonnement.

Pourquoi se limiter à si peu, quand on peut faire tellement plus ?

Tandis qu'il ruminait ces pensées, quelques mains s'étaient levées pour répondre à sa question. Monsieur Binaire en interrogea une au hasard.

— Quatre, monsieur, répondit une petite fille, au milieu de la deuxième rangée.

— Très bien, Lucine, sourit le professeur, on distingue bien quatre époques. Et quelqu'un peut-il me nommer ces quatre époques ? Comment s'appelle la première ?

— La préhistoire ! répondirent plusieurs élèves en même temps, n'attendant pas d'être interrogés.

Le professeur ne s'en formalisa pas. C'était l'époque la plus facile à retenir.

— Puis ? Domien ?

— L'époque des civilisations, répondit le petit garçon. Elle commence avec l'invention de l'écriture, vers – 3000, et se fini vers... 1824, je crois...

Quelques rumeurs se firent entendre, dans la classe.

— C'est pas en 1824 mais en 1799, objecta un élève.

Genèse 2.0Where stories live. Discover now