Elémentia

∫ | Chapitre 1

Ils avaient déménagé. Une énième fois. Et Ariane commençait sérieusement à en avoir marre. Au début, elle et sa sœur Maé suivaient docilement leurs parents. Ils avaient visité un grand nombre de pays, du Japon au Texas en passant par la Roumanie, et cela avait beaucoup plu à Ariane les premières années. A présent, ce mode de vie nomade lui tapait sur les nerfs. Et en plus, les raisons de leurs incessants déplacements se faisaient de plus en plus vagues et mystérieuses, passant du « mon employeur m'a changé de lieu de travail » au « tu comprendras quand tu seras plus grande ».

Cette fois-ci, ils étaient partis d'Oslo en pleine nuit, aux alentours de trois heures du matin. Melina, la mère d'Ariane, était arrivée dans la chambre de ses filles, avait allumé la lumière et dit : « On s'en va. Dépêchez-vous, nous partons dans quinze minutes ».

Les deux jeunes filles, le regard ensommeillé, avaient baillé, puis s'étaient extraites à contrecœur – et non sans difficultés – de leurs douillettes couvertures.

Telle une mécanique bien rodée, elles avaient rassemblé leurs affaires éparpillées aux quatre coins de la pièce en quelques instants. Elles avaient tout entassé dans un vieux carton abîmé, ayant maintes fois été réparé à l'aide de morceaux de scotch.

Un quart d'heure plus tard, elles étaient prêtes, dans l'entrée de l'appartement, debout devant leurs valises. Un instant après leurs parents apparaissaient en haut des marches de l'escalier. Ils descendirent les marches lentement, puis une fois arrivés devant la porte, gratifièrent leurs enfants d'un regard navré. Ils ouvrirent la porte que les deux sœurs franchirent d'un pas mal assuré, prenant garde à ne pas marcher sur les multiples plaques de verglas qui tapissaient la terrasse. Elles grimpèrent dans la voiture, s'y installant le plus confortablement en prévision du long voyage qui les attendait. Ariane cala la tête contre la portière et sombra dans un profond sommeil.

A son réveil, la voiture était arrêtée. Elle était garée devant une petite maison délabrée perdue au milieu de la campagne, entourée d'un cloture de bois à la peinture écaillée. Le deux sœurs soupirent de concert. Elles ignoraient où elles se trouvaient, mais aurait clairement préféré rester dans leur appartement d'Oslo, avec leur petite bande d'amis. Ce séjour-là avait duré un peu plus longtemps que d'habitude (environ quatre mois), et les jeunes filles s'étaient parfaitement adaptées au climat, à la langue et aux coutumes. Un jour, quand Ariane avait six ans, elle avait demandé à sa mère pourquoi ils déménageaient si souvent, celle-ci lui avait répondu qu'il en allait de leur vie et qu'elle comprendrait quand elle serait plus grande. A seize ans, Ariane n'avait toujours pas saisi le sens de cette phrase.

Elle ouvrit la portière et rejoignit ses parents qui s'étaient arrêtés sur le perron. Elle échangea un regard désespéré avec Maé puis elles pénétrèrent dans la maison à la suite de leurs parents... qui s'avéra être aussi hideuse de l'intérieur que de l'extérieur. Elles passèrent bien vite en revue les pièces du rez-de-chaussée puis montèrent à l'étage. Les pièces qui leur serviraient de chambres étaient de la même taille, éclairées de la même façon et la même tappiserie horriblement moche recouvrait chacun de leurs murs. Leur choix fût vite fait et lorsqu'elles eurent communiqué leur décision à leurs parents, ceux-ci les aidèrent à monter leurs cartons.

                                                                                       ∞

Trois jours plus tard, la famille était installée. Ariane et Maé préparaient leurs cartables pour la rentrée du lendemain. Pour rien au monde elles ne l'auraient avoué, mais elles commençaient à être nerveuses.