Chapitre 6

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S'il avait su que sa vie tournerait autour des caprices du fils Von Kuffner, il aurait supplié ses parents de l'achever avant d'être vendu aux Barons. Il devait sans cesse répondre à ses appels, lui servir de distraction lorsqu'il s'ennuyait. Tout refus de sa part était châtié.

Bien qu'il eût découvert les joies de la punition et de la domination, il ne pouvait s'exercer sur ses maitres. Il n'était pas assez fort. Ses injonctions n'étaient jamais prises au sérieux par la matrone qui s'empressait de lui faire regretter ses paroles. Quant au fils, il devenait de plus en plus ignoble à mesure qu'il grandissait. Seul le Baron lui-même était magnanime et aimable avec le jeune Berrit. Malheureusement, il n'était que peu présent au sein de la maisonnée.

Cette nuit-là, le hollandais ne se douta point qu'il allait manquer la mort de peu. Il avait dû se réfugier au fond des caves de la demeure puisque sa maîtresse avait une entrevue avec une sommité du royaume. Il était resté dans l'embrasure de la porte, rongé par la curiosité. Elle avait commandé, à l'occasion d'une soirée mondaine de la cour, une robe de soie. Le fabricant vint lui-même faire la livraison de la superbe tenue. Lorsqu'il entra, l'invité plongea son regard dans celui de l'enfant alors dissimulé dans l'ombre du couloir qui menait à sa chambre. Bien que Berrit eût senti les yeux bleus de l'homme sur lui, il savait qu'il ne dirait rien.

Par peur d'une remontrance, il ne désira pas en voir plus, du moins, au début. Il entendit la voix du visiteur, il eût un frisson qui le poussa à entrouvrir la porte un peu plus, laissant la lumière des bougies et des lustres éclairer son visage. C'était la seule clarté dont il n'avait rien à craindre. De loin, l'enfant suivi les deux nobles d'un pas silencieux. On ne pouvait percevoir le son de ses pieds nus contre le sol tant il était maigre et léger. Il retint sa respiration lorsqu'il arriva à la cloison le séparant à peine de la discussion qui se tenait dans la pièce voisine.

- Elle est si belle, François! S'exclama la Baronne d'une voix guillerette.

- La soie que j'ai utilisée pour ce modèle vient tout droit de France. On raconte que les vers qui la produisent meurent tous les ans, et qu'il en nait de nouveaux pour produire ce sublime tissus. Cet habit est unique, nul doute que toute la cour vous observera d'un œil envieux demain soir.

- Vous êtes si bon avec moi. J'ai bien peur que le monde finisse par se douter de l'amour que nous nous portons.

- C'est pour cela que nous devons être discret, le bal était une erreur bien que notre stratagème ai fonctionné.

- Se retrouver dans les jardins était risqué. Concéda-t-elle

- Mais c'était bien la plus belle nuit de ma sombre vie, ma chère.

Il y eût un silence, assez conséquent pour que Berrit se risque à passer sa tête dans l'ouverture du mur. Il surprit la Baronne dans les bras de l'homme aux cheveux longs et bruns. Ils étaient collés l'un à l'autre tel des tâches incrustés dans le marbre. L'enfant se figea sur place, n'ayant jamais assisté à une telle scène auparavant. Ils souriaient, comme deux adolescents auxquels on aurait promis une friandise.

Le dénommé François tourna la tête, surprenant le garçon dans sa curiosité. Il haussa un de ses broussailleux sourcils, avant de se retourner vers la matrone. Son visage s'était teinté d'un rouge vif, témoignant de la colère qui déformait son expression. Berrit recula d'un pas, prenant conscience qu'il s'était mis dans l'embarra. Il avait été le spectateur d'un acte qui pouvait avoir de graves conséquences pour sa maitresse et son amant.

La mère Von Kuffner ouvrit la bouche, commençant à proférer de virulentes menaces. L'homme lui fit signe d'arrêter.

- Voilà un jeune homme bien sale. Dit-il, scrutant la saleté qui altérait la blancheur du teint de Berrit. Ses vêtements étaient en piteux état. Il reprit: Que dirais-tu, grand garçon que tu es, que je te fasse laver?

Crains Le JourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant