La peur

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C'était banal. Nous causions de sujets étranges. Je tombais sous l'emprise d'une lueure blanchâtre et désagréable, qui aurait déplu à chacune de vos petites personnes. Le silence pesait lourdement au 21, Blue Street. Heureusement que je n'y étais plus.

      Je, me, moi. Toujours penser à soi n'est pas là une sorte de folie méconnue dont personne ne m s'occupe ? Voilà ou je veux en venir. Je hais tous ces gens. Je veux dire – et j'en excuse mon inhabilité à me confondre en ces deux mots – que je n'aime personne. Chaque petite personne que le monde accueillit dans ses bras marqués de bleus, d'égratignures, de plaies ouvertes – et j'en passe, est destinée à ne penser qu'à elle-même. Ce monde, que nous avons reçu presque tout neuf, nous l'avons anéanti. Battu à mort. Oh ! Sadiques que nous sommes ! Vous en conviendrez : lorsqu'il n'y aura plus personne, ni-même plus rien, qui sera là pour chialer que nous avons détruit notre planète ?      Personne ? Mais non, cela ne peut se terminer comme tel. La planète doit survivre. Peu importe le taux de sadisme que nous ayons, mais elle doit rester en vie. Bref, je dérape. Mais, vous savez, tous les chemins mènent à Rome.

      Je ne suis point né de la dernière pluie. Comme plusieurs diront, j'ai plusieurs tours dans mon sac. J'ai habité toute ma vie à Ronsonville, et ce n'était pas le cas de changer. Hélas, mes problèmes m'ont amené ici, dans cette éclatante pièce emplie de réflexions sombres et douloureuses.  Mes camarades me traitaient souvent de lâche, d'un mec arrogant aux allures d'un psychopathe. Ce ne devait pas être le cas. Je suis quelqu'un de magnifique, au contraire. Tous ces gens, qui ne pensent qu'à leur petite personne, et surtout à leur sécurité, ils ne devraient pas survivre si facilement. Je devais me contrôler constamment. Et si je n'étais assez habile pour utiliser mes pensées...et que j'agissais éperdumment..? C'est probablement ce qui m'a amené ici. Me voilà encore radottant. Maudit soit mon état.

      Toute cette histoire remonte à il y a quatre mois de cela. Faut-il déjà savoir que mes façons d'agir étaient différente, selon les autres. Je me trouvais tout simplement unique en mon genre. Après tout, ce n'était pas à tout les jours que nous croisions un homme aux manières distinguées comme moi.

      C'était la manie. C'était la folle manie de toujours agir sans penser qui me trahissait. J'était à ma demeure, lorsque ma femme m'interrogea :

      —Stanley, je demande le divorce.

      Je trouvais cela étrange. Je ne trouvai aucun indice de cette demande de revers de mariage au moment qu'elle me l'annonça. Oh, si seulement vous saviez. J'ai fait de terribles choses dans ma vie. Mais, et ça vous le savez, tout finit par se savoir.

      C'est ainsi que le trouble eut commencé.

      — Pourquoi ? Je ne vois pas de problème dans mon mariage.

      — C'est toi, le problème, Stan. Tu es si arrogant ! Je ne peux plus vivre comme ça. C'en est trop. Toi et tes pensées, je crois bien que vous n'avez jamais eu une belle relation. Comme la notre, d'ailleurs.

      À ce qui paraissait,  notre mariage n'était pas beau. Encore pire – et ce seulement pour me fendre le cœur, elle ne l'avait jamais été. C'étaient de pures balivernes. Elle ne pouvait me laisser ainsi après seize ans de mariage. J'étais peut-être trop bien pour elle, pensai-je en faisant ma valise.

      Les jours passèrent. Je m'étais installé dans un motel près du centre-ville la semaine suivant la demande de divorce de Nancy. C'était banal. Je ne comprenais pas pourquoi un homme d'une telle prestance avait pu déranger ma femme. Je veux dire, tout ce que j'ai fait pour elle était pourtant suffisant.

      L'amour est un sentiment fort, ils diront. Je pense que cela ne veut rien dire du tout. L'amour est simplement un monstre, invisible, tuant toute bonne relation avec nos semblables. À vrai y penser, l'amour est méchant. L'amour est un amas de désirs et de passions charnelles, qui ne mènent à rien.. À quoi bon sert l'amour? Si ce n'est que pour bien vivre, je ne crois pas à cela. L'amour ne sert à rien.

Voyage au pays de la nouvelleWhere stories live. Discover now