Chapitre 4

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Sally est partie. 

Ce que je craignais le plus est arrivé. Elle m'a abandonné. Sans doute en a-t-elle eu assez de tout ce vagabondage, de mes sautes d'humeurs, de nos disputes, de tout le reste. Deux jours qu'elle m'a laissé seul, et le même temps que je reste prostré dans cette chambre, d'un autre motel aussi miteux et sale que tous les autres. Assis, les yeux vides fixant la télévision, sans rien enregistrer pour autant.

Mon cerveau est comme éteint, la même sensation que lorsqu'on vous frappe à la tête. C'est un  peu comme lorsqu'on se disputait. Les oreilles qui sifflent, une sorte de torpeur sous-jacente, les paupières à demi closes, gonflées d'avoir autant pleuré.

Sally est partie. Sally est partie. Sally est partie.

Cette seule phrase occupe mon esprit entier, tournant encore et encore, comme un disque rayé, à l'intérieur de mon crâne.

On ne peut pas dire que je sois totalement responsable du départ de ma Sally. Elle n'était pas elle-même, ces derniers temps. Toujours d'humeur changeante, toujours à tout faire pour me pousser à bout. Elle qui d'habitude était si gentille, si protectrice avec moi. Depuis quelques mois, je ne la reconnaissais plus. Sally faisait et disait tout et son contraire. Rien dans sa personnalité n'avait la moindre cohérence.

J'avais la sensation de ne plus avoir affaire à la même personne, comme si celle avec qui je voyageais était à chaque fois une autre femme,une autre Sally, mais plus la mienne. Mais à présent, ça n'importe plus. Sally, mon amour, ma vie, Ma Sally m'a abandonné. Envolée, évanouie dans l'immensité poussiéreuse du désert.

Au bout d'un temps indéterminé, le courant revient jusqu'à mon cerveau. Mes yeux voient à nouveau, j'entends, je trouve la force de bouger. Je me relève du matelas sur lequel j'étais assis jusqu'à présent.

La salle de bains. J'ai besoin de me laver. J'enlève mes vêtements poisseux, les laissant négligemment tomber sur le sol carrelé de la salle de bains exigüe. L'eau chaude tombant sur moi et longeant mon corps, emportant avec la crasse accumulée, me fait l'effet d'une mue qu'un serpent retirerait lentement de son corps. Une nouvelle peau, un nouvel être, un nouveau moi.

Mais la douche embuée n'y fait rien. Sally est toujours dans ma tête. Elle ne veut pas en sortir. Sa gueule d'ange, son corps charnu et ses cheveux pareils au Soleil, tout me hante, s'agrippe à mon esprit.

"C'est bon... Va-t'en, maintenant."

Les larmes remontent jusqu'à mes yeux. Pourquoi Sally me torture-t-elle ainsi ?

"Va-t'en... Va-t'en..."

Mais elle reste sourde à mes suppliques. Je vais me coucher plus abattu encore que la veille.

Il faut que j'arrive à dormir. Pour me réveiller en pleine possession de mes moyens.Demain, je devrai sortir. Chercher une fille. Une autre Sally. Une Sally qui me laissera tomber, elle aussi. Et que j'oublierai avec une autre, puis une autre, et d'autres encore.

PEOPLE SAY I'M NO GOODOù les histoires vivent. Découvrez maintenant