Chapitre 1 : un bien étrange message ... ✉

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     Nous jouâmes des heures durant. Clara ajoutant de plus en plus de variantes, quêtes et évènements toujours plus poussés afin de pimenter notre jeu et de nous divertir par la même occasion. Nous étions passionnés, nous ne pouvions nous contraindre à arrêter pour aller en cours qu'avec grand-mal. Un à un, nous fûmes cependant obligés de quitter la partie. Mais même quand nous étions en cours, nous y pensions sans relâche. Nous étions tous obsédés par l'idée que d'autres jouent sans nous et nous ne pûmes nous concentrer sur ce que tentaient de nous enseigner nos professeurs.

     Sitôt la journée terminée nous nous embrassâmes tous en nous promettant -comme tous les vendredis- de nous revoir le lendemain et rentrâmes chez nous. Arthur (mon frère), Mathys et moi prenions le bus et sur la route, nous ne parlions que de notre impatience de jouer au Loup-Garou avec nos amis le lendemain.

     Je ne vous ai d'ailleurs pas encore présenté Mathys. Pour résumer prestement, c'est notre ami d'enfance à Arthur et à moi. D'aussi loin que je me souvienne il a toujours fait partie de notre vie, dans les bons comme les mauvais moments et c'est avec lui et sa famille que nous partons en vacances chaque été. Il est comme notre frère à Arthur et moi.

     Je disais donc, que le seul sujet de conversation qui occupait notre trajet ce jour-ci fût le jeu. Nous étions passionnés, enivrés, subjugués. Cette obscession devenait presque malsaine d'ailleurs et cette idée me traversa l'esprit, vite remplacée par une autre plus forte : le lendemain nous allions jouer et j'allais sûrement gagner !!! Car ce jeu ne nous fascinait pas seulement pour les nombreuses difficultés que nous rencontriions mais aussi par l'idée de gagner. Moi qui n'ai jamais été quelqu'un qui aimait particulièrement remporter les jeux, j'étais maintenant prête à tout dans ce but.

     Arrivés à notre arrêt, nous avons raccompagné Mathys chez lui et sommes rentrés chez nous. Nous mangeâmes rapidement et je m'endormit, bercée par la musique de mes écouteurs en lisant un vieux bouquin ennuyant, donné l'après-midi même par ma prof de français. À minuit cependant, je fus réveillée par un message reçu sur mon téléphone. "Je croyais pourtant l'avoir éteint ? Bizarre ..." Intriguée, je déverrouillais mon téléphone et vis que le message venait d'un numéro masqué. Je l'ouvris et voici ce qui était écrit :

" Bienvenue dans cette partie de Loup-Garou, vous avez trouvé un jeu qui m'appartient, maintenant nous allons jouer. Demain vous allez recevoir votre rôle comme vos dix autres amis. La meneuse choisira les épreuves, quêtes et évènements et les organisera. Quiconque désobéira sera châtié, les morts éliminés. Bon jeu et bonne chance ... Votre vieil ami, Evil 😈"

     Après avoir lu cela, un frisson me parcourut comme un serpent, une certitude que ce message était l'oeuvre d'une mauvaise personne, comme si je pressentais avec horreur qu'il n'était qu'une lignée de bien d'autres qui allaient pourrir ma vie et celle de mes amis. Mais je ne prêtais pas attention à tout cela. Je me convainquis que ce n'était qu'une mauvaise farce d'un lycéen débile qui nous aura vu jouer hier et par jalousie ou méchanceté aura voulu m'effrayer. Je me rendormis donc, inquiète mais décidée d'éclaircir ce mystère avec mon frère et nos amis le lendemain.

     Justement, nous étions samedi matin, mon frère et moi nous sommes retrouvés à 10h pour déjeuner comme chaque samedi. Impatients de lui parler de ma mésaventure de la nuit, j'entame la conversation :

Malia   - Hey, tu as bien dormi Arthur ?

Arthur - Et bien ... Il s'est passé quelque chose cette nuit. J'ai reçu un étrange message et je voulais te le montrer. Ce n'est pas que je suis inquiet mais ...

Malia   - Moi aussi j'ai reçu un message hier à minuit ! J'ai eu peur sur le moment mais j'ai conclu que ça devait être une mauvaise blague.

     Nous échangeons nos téléphones et comme je m'y attendais, un message du numéro masqué s'étant présenté comme "Evil". Mon frère et moi échangeons un regard, soucieux. Il me lance sans conviction :

Arthur - Peut être est-ce une blague de Clara ou de quelqu'un de notre bande ? Ou un inconnu qui nous aura vu jouer hier ?

Malia   - Arthur, aucun des membres du groupe n'est assez sadique pour nous faire ça.  De toute façon nous serons fixés tout à l'heure quand nous verrons les autres.

Arthur - Tu as raison Malia. N'en parlons pas à nos amis avant cet après-midi, inutile de les effrayer. Ce n'est rien nous ferions mieux de nous calmer.

     Mais au fond de nous, nous savions que c'était plus qu'une simple farce et nous en eûmes confirmation quand nous rejoignâmes les autres, à 15h après cinq longues heures d'attente à nous forcer à faire nos devoirs et à penser à autre chose qu'à ce fichu message et son jeu mystérieux. À la fin, l'impatience l'emporte sur la peur et nous retrouvâmes Mathys afin de nous rendre dans notre sanctuaire. En effet, enfants nous avions trouvé un entrepôt abandonné dans la forêt, que nous avions aménagé. Nous l'avions découvert durant une mémorable partie de cache-cache et au fil des années Arthur, Mathys et moi l'avions modifié et ameublé afin qu'il devienne notre petit paradis. C'est ce même paradis que nous partageons à présent avec nos huit autres amis. Mon père nous a aidés, seul adulte à connaître l'existence de cet endroit car nous ne pouvions accomplir tout ce travail seuls, jeunes enfants de huit ans que nous étions à l'époque. Maintenant, l'entrepôt contient une cuisine de fortune avec un barbecue et plusieurs placards (contenant des boîtes de conserve) que nous avons trouvées à la décharge. Mon père nous a créé une ouverture il y a environ un an sur le mur derrière le barbecue afin d'aérer l'entrepôt, surtout quand nous cuisinons. Ensuite, au centre nous avons une table de fortune composée de planches collées sur des boîtes de conserves vides qui font office de pieds. Onze coussins sont étalés autour de notre petite table pour faire office de sièges. Au fond de l'entrepôt, onze casiers américains récupérés à la décharge par un jour de chance inouïe pour nos divers et effets personnels laissés sur place.

     Bref, l'entrepôt (dans lequel on entre par un petit trou dissimulé par les fougères) est vraiment le plus bel endroit sur Terre pour nous. Arthur, Mathys et moi nous nous assîmes donc autour de la table en attendant les autres, plus impatients que des gosses avant Noël. Mon frère et moi désirions qu'il y ait tout le monde avant de parler des messages afin de ne pas avoir à répéter maintes fois la même histoire.

Les loups-garous de BelleloupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant