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La psychologue que mes parents finirent rapidement par me trouver malgré ma volonté s'appelaient Roxane Dornant. Une jeune trentenaire récemment installée à son compte, spécialisée dans le comportement adolescent.

C'était une première pour nous deux.
Elle était ma première psy.
J'étais son premier ado transgenre.

J'avais quatorze ans la première fois que je l'ai rencontrée. Et contre toute attente, cette femme m'a bien plus apporté que beaucoup d'autres. Au fil des séances je peux même affirmer qu'une certaine complicité s'est installée entre nous. Je n'avais pas forcément besoin de poser des mots clairs pour qu'elle me comprenne, et cela me soulageait, car comment aurais-je pu décrire que ce que je n'arrivais même pas à comprendre?...

Je fais partie de la génération internet et malgré tout le mal que l'on peut dire sur cette invention, elle m'a permis de bien mieux me renseigner au sujet de ce que je vivais et surtout de rencontrer virtuellement des personnes comme moi.
Poser des mots était alors devenu possible. Et c'était avec joie que je les partageais avec Roxane qui inscrivait toujours de mystérieuses annotations dans son petit carnet argenté.

Je crois que j'étais tombé amoureux d'elle. Un amour impossible bien-sûr, nos âges et son éthique professionnelle marquant une frontière infranchissable entre nous, mais même si je savais bien que jamais rien ne pourrait se passer entre nous j'étais heureux de retourner chaque semaine à ces rendez-vous et mes parents étaient ravis de me voir épanoui à cette idée, sans même savoir de quoi je pouvais bien parler avec elle.

Mais il paraît que toutes les bonnes choses ont une fin, et ça a été le cas. Elle déménagea à l'autre bout de la France deux ans après notre première séance et je n'ai pas caché ma déception lorsqu'elle me l'annonça; mais que pouvais-je faire?

J'ai accepté la nouvelle et elle me conseilla d'aller voir un collègue à elle pour continuer les séances. Je m'y suis rendu deux fois avant de cesser d'y retourner, me rendant compte que je n'étais pas prêt à tout recommencer depuis le début.

Avant son départ définitif elle me proposa que je parle à mes parents en sa présence pour qu'elle puisse m'aider. J'ai refusé.

J'ai refusé et pourtant... je savais bien qu'il allait falloir tôt ou tard que je leur avoue. Car plus le temps passait, plus je cachais avec difficulté le garçon prisonnier dans ce corps de fille.

Victor(ia) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant