Le vent hurlait tout autour d'eux. Il s'élevait en tourbillonnant, formant un gigantesque vortex, une tornade qui aspirait tout sur son passage, les arbres, les animaux, et même les pierres. Le pentacle était brisé, Victus le savait mieux que quiconque, mais il ne pouvait rien faire pour empêcher une telle catastrophe. Une tempête ordinaire, il aurait pu la maîtriser. Mais pas cet ouragan-là. Il avait été déclenché par un acte de magie. Un puissant acte de magie, même, à en juger par la violence du déchaînement.
-Maître, nous devons fuir ! hurla le jeune homme à ses côtés, qui n'avait pas encore tout à fait vingt ans et tentait lui aussi de résister aux côtés de celui qui était son mentor depuis un peu moins de sept ans, sans plus de succès toutefois.
-Nous ne le pouvons ! répondit-il en criant pour se faire entendre par dessus le souffle du vent. Si nous partons maintenant, la protection cédera définitivement, et plus rien n'empêchera la tornade de dévaster la région entière ! Nous sommes les seuls à pouvoir intervenir, tu m'entends ? Nous ne pouvons renoncer. Pas encore.
Pourtant, la voix de la raison lui tançait qu'il était déjà trop tard. Et elle avait raison, bien sûr ; même un magicien aussi puissant que Victus ne pouvait rien faire face à ce terrible vortex, cette bouche de la mort qui dévorerait tout ce qu'elle trouverait sur son chemin une fois délivrée des derniers liens qui la retenait prisonnière entre deux mondes. Le monde de la magie, immatériel parce qu'uniquement constitué de l'énergie la plus concentrée qui soit, et le monde véritable.
La terre se mit à trembler de plus en plus violemment. Devant les yeux de Victus abasourdi, une fissure s'étira à la base de la tornade jusqu'à la forêt une centaine de mètres plus loin. Là, elle disparut entre les arbres. Des feuillus chutèrent ainsi dans le vide tandis que le séisme arrachait leurs racines et que le vent se chargeait de les arracher complètement au sol sur lequel ils se trouvaient depuis plus d'un siècle pour la plupart.
-Maître ! répéta son apprenti, tirant le mage de sa stupeur. Que dois-je faire ?
Victus secoua la tête pour chasser une mèche de ses longs cheveux blancs de son visage, en vain. Les vannes du ciel s'ouvrirent, déversant un torrent de pluie sur leurs têtes. De gros nuages noirs venus de l'ouest chassèrent peu à peu le soleil tandis que des éclairs de foudre frappaient tout ce qui se trouvait à leur portée tout autour d'eux. La forêt s'embrasa, et un immense incendie se déclara, trop violent pour être tout à fait éteint par l'averse. Les quatre éléments se déchaînaient tout autour d'eux au travers du vent, de la pluie, des séismes et des flammes. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose. Cette chose, Victus la craignait depuis qu'il avait découvert la véritable raison d'être de son Art.
Chasser les ténèbres. Protéger les humains ordinaires qui ne pouvaient rien comprendre de ce qui provenait de la magie pure. Empêcher les sorciers et les nécromanciens de semer le Mal sur la Terre et de libérer les Forces Obscures emprisonnées dans le Néant depuis des lustres. Jusqu'ici, ça avait été un succès, mais visiblement, cette époque de paix bénite touchait à sa fin.
-Le Cercle est brisé ! cria t-il à l'intention du jeune homme à ses côtés qui peinait à rester debout tant les tremblements de terre devenaient violent.
-Quel cercle ? s'étonna l'apprenti sans comprendre.
Bien sûr. Comment aurait-il pu savoir ? Comment aurait-il pu deviner ce qui venait de se produire ?
Comment aurait-il pu ne serait-ce qu'imaginer qu'il eût réussit, au bout de plusieurs siècles, à s'échapper de sa prison de pierre ?
Alors qu'un gouffre se formait sous leurs pieds et qu'ils étaient entraînés dans les profondeurs des abysses sans espoir de retour possible, le vieux mage ne put formuler qu'une seule réponse concrète :
-Le Maître du Temps est de retour.
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La Magicienne : Les Chroniques du Temps
ParanormalAlice de Montersky a presque treize ans et est la fille unique d'un des plus riches marchands des environs de Paris, destinée à épouser un homme riche et à devenir une femme effacée dans la vision commune au Moyen-Âge du "soit belle et tais-toi". U...