Ploc, ploc, ploc. Cette foutue fuite m'empêche de dormir. Il faut vraiment que j'appelle un réparateur. Où est mon téléphone ? Je dois voir l'heure. 23 : 34, je ne vais décidément pas dormir cette nuit. Quelle poisse, je dois me lever tôt demain, il faut que j'essaie. Ploc, ploc. Je vais devenir folle. Pourtant j'ai pris des cachets pour dormir. Tiens, quel est ce bruit ? Ce n'est pas la fuite, non, c'est moins régulier... comme des pleurs... Mais les pleurs de qui ? Ah oui, Eli. Il est chez moi cette semaine. Bon, je vais aller le voir. C'est pas comme si j'allais dormir de toute façon. Je marche lentement, on dirait un zombie. Sa chambre est là, il y a une photo de nous deux sur la porte, elle a été prise à l'hôpital, le jour de sa naissance, par son père. Il avait les joues toutes roses. J'entre. Il pleure. Mais pourquoi ? Il me fait de la peine. Quelle idiote ! J'ai laissé la fenêtre ouverte ! Je comprends mieux pourquoi tu pleures, tu dois être mort de froid. Viens dans mes bras mon bébé. C'est marrant, on dirait qu'il a grandi. Ses mains et ses pieds se sont allongés, et sa tête est plus grande. Je le prends dans mes bras et écarte une boucle qui lui tombait dans les yeux. Il renifle avec son petit nez et s'étire. Je remarque qu'il tient dans sa main une petite carte bleue. C'est quoi ça, Eli ? Je la lui prends. « Maya Anna Fills ». Mon ancienne carte d'identité. C'est douloureux. On ne m'avait plus appelée « Fills » depuis le divorce. Je ne sais même plus pourquoi on s'est séparés. Ce n'est pas important de toute façon. Eli a ce genre de pouvoir, il peut faire tomber toutes les facettes et tous les côtés que vous vous êtes donnés avec un simple morceau de papier plastifié. Je caresse sa tête et entortille dans mes doigts ses petites boucles brunes. Un jour, ce petit diablotin deviendra un beau jeune homme, il se mariera et me donnera de merveilleux petits-enfants. Ils auront des yeux, ce sera magnifique. Il n'a que 4 ans mais il est déjà très intelligent et très mature. Je suis si fière de lui ! Tiens, il s'est endormi. Oh, si je le perdais, mon Dieu ! Je perdrais tout ! Bon, je te remets dans ton lit. Dors bien. Je l'embrasse. Moi, je vais boire un verre d'eau. Ça donne soif l'amour. Je marche sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller mon petit monstre. Dong, dong, dong. Elles sont agaçantes ces cloches. En même temps, quelle idée d'habiter à côté d'une église. Minuit. J'avance tout droit vers ma chambre et manque de me prendre la porte en pleine face. Je soulève légèrement la couverture et me glisse dans mon lit. Une demi-douzaine de pensées m'agressent tout à coup. Comment ai-je fini ma soirée déjà ? Merde, je m'en rappelle pas. Mes paupières se ferment et une image m'apparaît. C'est moi, il y a quelques heures, à la table de la cuisine. Je pleure, pourquoi je pleure ? J'avale une gorgée de vin blanc et je commence à avoir la tête qui tourne. Mais pourquoi ai-je l'air si mal ? J'avale encore une gorgée sur le chemin de ma chambre et m'effondre sur mon lit. Je me tourne sur le côté et pleure de plus belle. J'attrape mon verre à pied et avale mes somnifères avec le fond de vin. Ce n'est pas très conseillé, il me semble, les cachets et l'alcool ensemble. L'image devient floue, et bientôt je ne perçois que des lumières. Ça y est, je crois que je... que je... m'endors.
Tiens, le soleil est levé, aurais-je enfin réussi à dormir ? Il me semble que oui. Je prends mon téléphone pour en être sûre. 7 : 14. Je sois me lever pour de bon cette fois. Quelle est cette robe noire ? Elle est à moi ? Aïe, j'ai mal au crâne. Je n'ai pas le temps d'y penser. Je vais voir si Eli va bien. Brrr, il fait froid dans cette chambre. Je me lève. C'est bizarre, la photo sur sa porte a disparu. J'ai un mauvais pressentiment. Allons voir à l'intérieur. Ses affaires aussi ne sont plus là ! Son lit, sa chaise, sa bibliothèque ! Et lui ? Où est-il ? Où est mon fils ? Restons calme. Il ne reste dans la pièce que le bureau. Je sens la panique me gagner et les larmes me monter aux yeux. Sur le bureau sont posés des papiers. J'ai l'impression de les avoir déjà vus quelque part. C'est une lettre ? Non, un discours. C'est moi qui l'ai écrit. C'est pour Eli, à l'occasion de son enterrement qui a lieu aujourd'hui.