Pendant les deux jours d'attente à l'hôpital, je n'ai vu Claire que deux fois, elle devait retourner en cours et sa mère travaillait, alors je me sentais un peu seul, avoir de la compagnie quelques fois n'est pas si mal. J'ai appris qu'Elena tenait une boutique d'antiquités en centre ville et que Claire faisait des études supérieures de commerce pour aider et reprendre l'affaire de sa mère plus tard. J'ai donc conclu que Claire aimait beaucoup sa mère et que, contrairement à la plupart des jeunes adultes, elle ne comptait pas vraiment quitter le domicile familial. Je n'ai également jamais entendu parler du père de Claire, il doit donc être divorcé ou mort, quoi qu'il en soit, il n'a pas de place dans la vie de ce duo féminin. Hier soir, Elena est justement venu m'apporter des vêtements étant donné que les miens étaient en lambeaux et pas vraiment adaptés à ce monde, donc elle m'a donné de quoi m'habiller pour sortir. J'enfilais un jean noir, un tee-shirt gris et un sweat bordeaux, je n'avais pas l'habitude de porter ce style, la plupart de mes vêtements étaient en cuir et en fibres synthétiques, parfois en jean mais rarement. L'infirmière m'avait ramené mes affaires quand j'étais arrivé à l'hôpital, uniquement ma tenue. Je me préparais pour enfin quitter cette demeure blanche et morbide, décidément j'aime pas les bâtiments médicaux. J'étais prêt ! Je regardai par la fenêtre et vis deux blondes attendre près d'une voiture, elles me virent et me sourirent, c'est bon, elles sont arrivées, je vais pouvoir y aller. Je me présentai à l'accueil, signai un document, et enfin j'étais libre. « Adieu hôpital que je ne reverrai jamais ! » J'allai sur le parking mais je ne retrouvais ni Claire, ni sa mère. J'aperçus deux hommes en costume noir avec des lunettes de soleil venir vers moi. C'était mauvais ! Ces types me voulaient quelque chose et je ne voyais pas quoi. Je fis demi-tour pour les éviter.
- Azazel ! Cria une voix grave derrière moi.
Ils viennent de là-bas, cet endroit qui semblait encore flou dans mon esprit. Soudain, un souvenir me revint.
Je courais à travers une foule, j'étais poursuivi, j'avais un sac dans les bras, le contenu de ce sac était la raison de cette traque, les individus qui me poursuivaient étaient égaux à ceux du parking, j'entendis un cri :« Pas par là ! ». Puis la chute, une chute longue et interminable suivi d'un choc violent.
Ces deux hommes avaient un lien avec mon passé oublié, ils voulaient sûrement le sac et ce qu'il renfermait. L'un des deux énergumènes se dressa devant moi tandis que l'autre était derrière, j'étais pris en sandwich mais mon corps se mouva tout seul, sans que j'eus le temps de réagir. Je me retrouvai déjà dans le dos d'un des spécimens, je lui brisai la colonne vertébrale d'un coup de pied. L'autre se jeta sur moi, j'attrapai son cou entre mes bras et lui brisai la nuque avec une facilité déconcertante. Puis, je repartis à la recherche de Claire comme si de rien n'était. Cependant, je me sentais bizarre, enfin plutôt inquiet, je venais de tuer deux êtres humains et pourtant, je ne ressentais rien, aucune culpabilité. Un autre souvenir me revint.
J'étais jeune, un enfant d'une dizaine d'années, je tenais un pistolet, un beretta 92FS de calibre 9x19mm, un grand gaillard était couché sur le sol, blessé, je l'abattis en toute froideur.
Je ne me souvenais plus de ce que je faisais là-bas mais je devais avoir une vie fort complexe. Je vis Claire me faire signe, elles étaient à côté d'un 4x4 gris, nous montâmes à bord. Elles vivaient hors de la ville, proche de la campagne, on passa devant le pré de blé où je m'étais réveillé. Nous arrivâmes à leur maison, c'était une demeure à deux étages, trop grande pour seulement deux personnes à mon avis, elles me firent visiter rapidement. Le rez-de-chaussé était composé d'une cuisine ouverte sur un salon/salle à manger, un bureau/ chambre d'ami et une petite salle d'eau. Au premier étage, on retrouvait trois chambres et deux salles de bain, puis au dernier étage, il y avait une grande pièce style salle de bal, un petit balcon et une dernière petite chambre d'enfant. Elena m'avait installé dans la chambre libre du premier étage, le lit était confortable en tout cas beaucoup plus que mon lit à l'hôpital. Dans l'armoire se trouvait des tonnes d'habits masculins, Claire entra dans la chambre.
- Alors ça te plaît ? Demanda-t-elle.
- Tu veux parler de la chambre ou de la maison ? Questionnai-je.
- Des deux...
- C'est pas mal. Je voulais savoir, ces habits, ils viennent d'où ?
- Ils étaient à mon père, c'est l'un des trucs qu'il nous a laissé.
Je ressentais de la colère émaner d'elle à la prononciation de ces mots.
- Et il est où, ton père ? Enquêtai-je.
- Il est au Canada, avec sa nouvelle femme et ses nouveaux enfants. Mes parents ont divorcés, il y a 6 ans, m'expliqua-t-elle.
- Je vois...
Elle avait l'air triste et en colère, elle haïssait son père, je le voyais dans ses yeux. Je ne savais pas comment réagir, je devrais ressentir de la compassion ou un truc dans le genre, mais rien, je voulais lui dire un mot gentil, mais rien, je ne savais que faire. Elle quitta la pièce disant qu'elle allait aider sa mère a cuisiné. J'avais aperçut des livres sur ma table de nuit, je décidâmes de les regarder, il y avait trois livres, deux aux couvertures fantastiques et un plus sombre : Le Livre des Contes perdus de J.R.R Tolkien, Harry Potter et la Coupe de Feu de J.K Rowling et L'Outsider de Stephen King. Je lisais le résumé de l'écrit horrifique quand on m'appela pour manger. Le repas fut silencieux, les seuls bruits étaient d'ambiance, les informations sur la télévision, le crépitement du feu dans la cheminée, les miaulements incessants du chat qui réclamait à manger. « Je n'aurais pas dû poser de questions à propos du père » songeai-je sans le moindre remord et la moindre once de culpabilité. Arrivée au désert, Elena posa une corbeille de fruits sur la table. Je n'en avais vu jusque là qu'en photos.
- Tu veux une pomme, me proposa Claire.
- Euh, oui, hésitai-je.
Elle me tendit un fruit ronde et verte déclarant qu'il s'agissait du Granny Smith, à ce moment-là, elle ne me parlait plus dans la même langue, je ne savais ni ce qu'était une pomme, encore moins une Granny Smith. Quand je coupa un morceau pour goûter, une saveur à la fois sucrée et acidulée pétillait dans ma bouche, c'était la première fois que je mangeais quelque chose d'aussi succulent.
Après le dîner, je suis directement parti me coucher, mais je n'arrivais pas à dormir, une lourde sensation me pesait à l'estomac. Tous mes sens étaient en alerte ! Il faisait noir mais je voyais parfaitement bien, je remarquais la poussière sur les étagères, la mouche piégée dans une toile d'araignée luttant pour sa vie, les améthystes qui se reflétaient derrière leur vitre cadrée. Et j'entendais tout, la mouche qui se débattait, les pas silencieux du chat montant l'escalier et même les bulles de l'aquarium dans la chambre de Claire. Soudain la porte s'ouvrit, le petit qui rentrait à l'instant dans la pièce, sauta sur le lit. A la lumière, il était blanc et roux mais, dans cette obscurité, il semblait gris et noir. Je tenta de le chasser, pourtant il prit ma main tendue pour un signe d'affection et se frotta contre elle en ronronnant, puis il s'affala au creux de mon ventre. Il était doux et ses ronronnements apaisants. Il me parut qu'au festin, Claire l'avait appelé « Sangha ».
- Petit chat ? Sangha ?
Un léger miaulement sortit de sa bouche en guise de réponse. Le réveil affichait 1:34 cependant je ne parvenais toujours pas à trouver le sommeil, puis peu à peu, bercé par les ronronnements du félin, mes paupières se fermèrent.
J'étais sur une table d'opération, pieds et poings liés, j'avais mal, je souffrais, un homme me posait des questions personnelles et chaque fois que je donnais la vraie réponse. Douleur ! Des électrochocs... Je me battais contre un colosse trois fois plus grand que moi, j'étais jeune, environ 10 ans, j'esquivais et parais ses coups, je me mouvais avec rapidité et agilité. Puis un coup... Je courais à travers une foule de monde, je fuyais. Après la chute...
Je me réveilla brusquement, Sangha m'observait incrédule, j'avais chaud, je transpirais. C'était un rêve, un cauchemar... Non ! C'était plutôt des souvenirs de ma vie là-bas. Je sentais mon cœur tambourinait dans ma poitrine, je caressa le chaton afin qu'il ronronne, l'entendre permettait de me calmer. Dehors il faisait encore nuit, mais plus pour très longtemps, je remarquais déjà quelques éclaircies dans l'horizon, derrière les arbres du jardin. Dans peu de temps, le soleil percerait à travers la végétation et illuminerait le monde de toute sa splendeur rougeoyante.
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Insensible
Science FictionUn jeune homme se réveille dans un champs avec plus aucun souvenir. Une fille et sa mère le découvrent et l'emmènent à l'hôpital, tandis que de nombreux mystères planent autour de ce jeune garçon au visage de marbre et au cœur de glace.