Chapitre 1

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Contrairement à la plupart des héros de romans, mon enfance fut des plus heureuses, sûrement une preuve que ma vie n'était pas destiné à être contée,je grandis avec mes deux parents qui m'apprirent dès mon plus jeune âge à rêver et à avoir une foi inébranlable en ce que je jugeais important. J'avais également une petite sœur, Marie, avec qui je n'étais pas très proche. Ce n'est pas que je ne l'aimais pas, bien au contraire, mais bien trop tôt elle m'avait idéalisé,tant et si bien ,que je ne parvenais plus aujourd'hui à rester en sa compagnie trop longtemps sans craindre qu'elle ne se rende compte de la supercherie que représentait sa soeur.Ces jours d'enfances étaient paisibles, propices à la réflexion et aux éclats de rires.

Je ne puis dire si le fait que j'appris à lire plus tôt que la moyenne, et que j'eus passé l'entièreté de ma plus tendre jeunesse à écouter les histoires de maman,pour ensuite lire les miennes jours et nuits, eut vraiment des conséquences importantes sur ma vie, mais le fait est que j'étais trop mature pour mon âge et que je réfléchissais trop. Cela me frappa en deuxième année de primaire, quand les autres enfants,las de s'entêter à essayer de m'inclure dans leurs groupe, sûrement à la demande de leur parents d'ailleurs, avaient décidé de me laisser dans mon coin. Je ne leur en voulais pas à vrai dire,j'aurais certainement fait la même chose, et puis cette solitude ne me dérangeait pas, elle me laissait tout le loisir de réfléchir et surtout de rêver. C'est pourquoi je n'ai jamais gardé de tristes souvenirs de cette époque.

Ce fut donc avec sérénité et sans rien attendre de cette année, à part le souhait de continuer mes lectures, que je débutai ma classe de sixième.

J'étais dans le rang de ma classe dans la cour, attendant notre professeur, lorsqu'on nous demanda de se mettre deux par deux, comme à l'accoutumée je choisis de me rendre à la fin du rang et si quelqu'un se retrouvait seul alors je me rangerais avec lui, car les solitaires finissais toujours à l'arrière du rang, comme un accord tacite. Et alors que je pensais rester seule, en effet, j'avais remarqué sur les listes que nous étions un nombre impair, un garçon se retrouva à mes côtés. On se mit à parler en attendant que quelqu'un daigne nous accompagner en classe, je me sentis à l'aise avec lui car paradoxalement lui ne l'était pas. Il me fit penser à moi ces quelques jours entre le moment où je me rendis compte qu'on me mettait à l'écart et celui où je compris que ça n'avait pas une réelle importance, ce moment où je ne connaissais pas ma place. À la suite de cela le hasard choisit que nous nous retrouvâmes à côté l'un de l'autre en classe, ce voisin se nommait Robin bien que je ne parvins pas à me rappeler de son nom.

Les jours passèrent et tout redevint normal , si je puis dire, on ne se parlait que lorsqu'il me disait des banalités, et il avait repris contenance, bien vite il se fit des amis dans la classe, et moi, je restais à lire, préférant la chaleur des livres et le réconfort des mots. Cette simple relation de cohabitation aurait pu continuer et nous aurait d'ailleurs à tous les deux contentée, mais un jour j'ouvris ma bouche, un jour tout changea, un jour la glace se brisa.

-Mais quelle sorcière!

Cette remarque était destinée à ma professeur de mathématiques, et se rapprochait plus du murmure que d'une véritable insulte. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'eus été surprise lorsque Robin releva ce que je venais de dire.

-Une sorcière, c'est à dire?

-Ne sais-tu pas ce qu'est une sorcière?

Je le regardai attendant qu'il s'indigne de ma question, après tout qui ne savait pas ce qu'était une sorcière, ou encore qu'il avoue avoir dit ça par humour, certe discutable mais humour tout de même. Mais je ne perçue dans ses beaux yeux bleus que le reflet d'une véritable curiosité presque attachante.

-Une sorcière,c'est un être que l'on dit capable de magie et de choses surnaturelles, cependant on a tendance à les craindre, à dire et à penser que ce n'est là que l'oeuvre du diable.La plupart des gens sont convaincus que ça n'existe pas?

-Et toi?

-Moi? Je pense que si l'on est incapable de croire certaines choses sans les voir alors on se condamne à une vie bien morne.Alors quand tant d'autres ont choisi de croire en un dieu ou en un diable, ou encore de croire en un leader au point de lui confier sa vie, moi j'ai choisi de croire en l'inconnu, aux fées, aux sorcières et en la magie.

Je regardai Robin le rouge aux joues, encore une fois je m'étais emportée, j'avais trop parlé, trop passionnément et trop vite. J'osai cependant un regard en sa direction et je ne vis dans ses prunelles qu'un réel intérêt. Peut-être avais-je vu ce que je voulais voir à ce moment mais peu importait, car pour la toute première fois de ma vie j'eus l'impression d'avoir dit ce qu'il fallait au bon moment.

-Es-tu capable de croire en n'importe quoi?

-Si personne ne veut croire en quelque chose, alors je croirais en lui, car s'il existe,comme je me plais à le penser, ne serait-ce pas cruel de nier son existence. Alors je suppose que s'il est ignoré et qu'il n'apporte pas le désespoir, je pourrais croire en tout .

-C'est une bien belle façon de penser.

Je me contentai de lui répondre d'un sourire que j'espérais chaleureux.Il repris:

-Si je te disais qu'il y a une autre forme de vie qui nous observe, que tout n'est qu'apparence, et que le ciel n'est qu'un dôme, qu'une illusion, me croiras-tu?

Je fus surprise d'une telle passion dans ses paroles, et je compris pourquoi il avait si bien accueilli la mienne, il brûlait d'une flamme qui m'était si semblable.

-Si tu en es convaincu du plus profond de ton être alors j'y croirai, ne serait-il pas méchant de nier l'existence de tout un peuple. Et puis c'est une image qui me réchauffe le coeur, il serait alors possible de toucher le ciel,ce qui est un des rêves des éternels romantiques.

-Tu es différente des autres.

Je me rendis compte que je souriais depuis tout à l'heure qu'à cette remarque et ce car je cessai immédiatement. Être considérée comme différente de la multitude est normalement un compliment, pourtant même du haut de mes douze ans j'avais pu remarqué que bien souvent ce n'était qu'une insulte dissimulée, car tous faisait des discours sur l'individualité et pourtant dès que quelqu'un sortait du lot on le pointait du doigt. Peut-être que sous ces boucles brunes ne se cachait qu'un menteur et un hypocrite de plus.

-Ne fais pas cette tête, je te l'ai dit dans le bon sens. Sûrement que mon histoire demeurera toujours ce que son nom désigne, une simple histoire.Et pourtant tu me croirais et changerais ta manière de voir le monde, alors je te fais une promesse, pas de croire aux êtres fantastiques ou à la magie mais je te jure de toujours croire en toi. Et alors c'est un peu comme si tu étais ma sorcière personnelle.

-Une sorcière?

Je lui posai cette question en souriant, et c'est en souriant qu'il rajouta:

-Dans le bon sens.

-J'aime beaucoup l'idée, à condition que je ne finissent pas comme elles, elles ont toutes été...

-Jane!

Cette merveilleuse discussion m'avait fait oublié un détail assez important, on était en cours et apparemment on était pas très discret.

Ce qu'il se passa après ne mériterait pas d'être raconté, le sermon du professeur, la question qu'il me posa sur le cours et à laquelle je ne pus répondre, et la punition qu'il en découla.

La seule chose vraiment importante fut que ces semaines et ces mois en sa compagnie  furent remplis de rêves et d'éclats de rire, et que Robin ne m'appelait plus Jane mais ma petite sorcière, ce qui, je dois bien l'avouer, me remplissait de bonheur.

Cependant ce satané destin décida que ça ne devait durer et au début des grandes vacances il disparut et personnes ne le revit plus.

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