The shy guy

Chapitre 3

Mardi 3 Octobre
× Lycée×

J'ai passé ma soirée à réfléchir et à relire une bonne dizaine de fois le mot en me demandant de qui elle peut venir, passant en revue tous les garçons dans ma classe. Personne ne me viens en tête. Je n'ai pas un seul indice et surtout aucune idée. Je suis dans l'ignorance totale et si ça se trouve, en réalité, ce fameux écrivain peut très bien s'agir d'une fille. Cette affaire me prend tellement la tête que j'en suis même venue à oublier que mes grands-parents viennent, à la maison, ce soir.

Cette visite peut sembler banale, mais à mes yeux, elle ne l'est pas. Mon grand-père souffre d'Alzheimer et lorsqu'il nous avait annoncé la nouvelle, on ne lui a pas posé beaucoup de questions, ou si peu, car personne ne savait vraiment ce que c'était cette maladie, moi y compris. Par contre, au moment où les symptômes se sont dévoilés, ça été émotionnellement très difficile pour la famille. Surtout pour ma grand-mère, car il n'a aucune idée de qui elle est. À tous les jours, pour les cinq derniers mois, il cueille des fleurs dans son jardin et va les porter à sa douce femme en lui disant: "Vous êtes magnifique. Voulez-vous vous enfuir avec moi et être ma femme? " Elle lui répond toujours la même chose : " Je suis déjà ta femme et on s'enfuit ensemble tous les jours." Ce qui est adorable, c'est le sourire que celui-ci fait par la suite, le plus sincère et magique que j'ai vu de ma vie !

Il prend une grande place dans ma vie et je lui dois ce que je suis aujourd'hui. Sans lui, mon enfance n'aurait pas été aussi douce puisqu'il est protecteur et affectueux, un coin d'azur dans mon ciel tourmenté. C'est un homme qui, chaque fois où je dors chez lui, peu importe l'heure à laquelle je me lève le matin, m'attend en bas des escaliers et me demande en chuchotant si je veux du jus d'orange. Pour sa façon d'être et m'aimer, il m'a appris à respecter les autres et à avoir confiance en moi. Aussi ce que c'est l'espoir et l'espérance, à rester positif malgré les épreuves. Aujourd'hui, je n'ai qu'un seul voeu, une seule prière: qu'il reste près de moi encore longtemps, afin de le protéger des vents mauvais et des épreuves de l'existence.

Ce matin, j'ai cours de philosophie et c'est épuisant puisque nous la travaillons un peu dans le cadre du cours de français. Présentement, le prof de philo tient un livre noir et regarde la classe en déclarant:

- Ce livre est rouge.

Je le regarde un peu confuse et la classe fait de même.

- Hum non, dit un élève.

- Oui, il est rouge ! répète à nouveau le professeur.

Mon regard croise celui d'Emma, ne comprenant pas non plus où il voulait en venir. Il tourne ensuite le livre et le verso est rouge.

- Ne dites jamais à quelqu'un qu'il a tort jusqu'à temps que vous ayez vu les choses de son point de vue, nous réprimande-t-il.

Un léger rire s'échappe de mes lèvres, le sentiment de nous avoir coincé la main dans le piège. Le prof continue sur sa lancée, nous expliquant un peu plus dans les détails la morale de cette situation. Avant même qu'il écrit au tableau, un bruit assourdissant se fait entendre. Le signal sonore de l'alarme se diffuse dans toute l'école. Nous nous levons sans empressement, tous convaincus qu'il s'agit encore une fois d'un de ces exercices d'incendie comme nous en avions chaque année depuis la petite école. Mais apparemment que ce n'est pas le cas. Une fois la porte de la classe ouverte, une forte odeur de brûlé nous signale qu'il ne s'agit pas d'une simple manoeuvre. Visiblement inquiet, monsieur Harris écarte les bras pour nous garder en groupe, comme si nous allions nous mettre à courir dans tous les sens tels des écervelés. J'avoue que nous ne sommes pas tous des génies, mais quand même, nous n'avons pas non plus cinq ans !