1- Myra

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Myra. C'est le titre du chapitre. C'est aussi mon prénom.
Myra.
Je suis au lycée, en première. Dans une ville où il fait beau, en général.
J'ai eu dix-sept ans en février.
Et j'ai un boa constricteur autour du cou, en permanence.
Ce boa n'est pas foncièrement mauvais. Pas vraiment. Je ne l'ai pas nommé, et je ne me suis rendue compte de son existence que très récemment. Il est invisible, je pense. Mais il sait se faire voir, s'il y tient vraiment, à travers moi. Il a juste à serrer. Serrer un peu plus, toujours plus, jusqu'à ce que ma gorge ne soit plus qu'un nœud par lequel plus rien ne passe, jusqu'à ce que mes yeux se remplissent de larmes et que je doive détourner le regard, et respirer, respirer, respirer. Je ne pense pas aller bien. Je pense que quelque chose s'est cassé en moi, à un moment. C'est là que le boa est apparu. Il a profité de la cassure dans ma sphère protectrice, il s'est glissé autour de mon cou. Lové autour de mon cou. Avant...

Avant lui, je voulais le monde entier. Je voulais faire le tour de la terre à pieds, rencontrer tous les peuples existant. Je voulais toujours plus. J'avais décidé d'être astrophysicienne. Ce mot faisait résonner les étoiles. Il avait la capacité de les attirer jusque dans mes mains, et de me montrer leur beauté. J'aimais le ciel, j'aimais la nuit, j'avais quinze ans, j'étais en troisième. Mon avenir était tout tracé. J'allais entrer au lycée Fermat, prendre la filière S SI, avoir mon bac (mention Très Bien), faire une prépa PCSI, puis tenter les plus grandes écoles de France. J'étais la conquérante absolue, la reine de mon futur. J'allais découvrir la première source de vie extraterrestre, l'origine de la matière noire, le premier trou de ver. Je m'aimais, j'aimais ma vie, j'étais pleine d'un bonheur permanent. Presque.
Arrivée en première S SI, j'ai déchanté. J'ai déraillé.
Violemment. C'était début 2018.
Les Sciences de l'Ingénieur m'ennuyaient par-dessus tout, je n'écoutais pas, je ne travaillais pas. Je me suis pris un carton. Au premier contrôle. Et à côté de ça, un prof de maths absolument siphonné s'évertuait à perdre ma classe dans les méandres d'un cours bien trop compliqué pour le niveau. Je l'ai haï. J'ai piqué une crise, au milieu de son cours. Juste après le carton de SI. Je n'avais jamais fait ça. Je ne me reconnaissais plus.
Le soir, quand je suis rentrée chez moi, j'ai expliqué à mes parents que ça n'allait pas être possible. La SI et moi, c'était la guerre. Je voulais repasser en SVT, retrouver les dissections et toutes les pierrailles inutiles. Tout plutôt qu'élec et technologie.
Sauf que. Sauf que Fermat n'avait plus de place en SVT. Je ne pouvais pas changer. J'ai pleuré, encore. Je haïssais ce lycée, tout d'un coup. Je ne voulais plus.

Et puis, on a fini par trouver une solution. La solution. La seule. Demander à retourner à mon lycée de secteur, dans lequel je n'avais jamais mis les pieds.
J'ai demandé. Un mercredi après-midi, la semaine qui précédait les vacances de la Toussaint. La proviseure a accepté :
« Tu viens ici demain à huit heures, on te remettra les livres. »
Ça m'a giflé. Comme ça, d'un coup, j'étais projetée dans un monde inconnu. Demain à huit heures, tu changes de vie. Demain à huit heures, tu retrouves tes potes de collège. Demain à huit heures moins des broutilles, tu feras un chemin inconnu pour venir. Demain à huit heures, tu te perds dans ces bâtiments inconnus.
J'ai souri, j'ai dit ok, merci beaucoup. Je suis rentrée chez moi. J'ai préparé mon sac : une trousse, cinq feuilles.
Le lendemain, huit heures, je suis allée à Saint-Sernin. J'ai récupéré mes livres, on m'a montré la salle de classe. Et débrouille-toi ma belle, débrouille toi.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 12, 2019 ⏰

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