Humankind Immunity

2. Zuri

00h00. Elle déambulait dans les ruelles sombres, comme à son habitude. Zuri aimait bien cette heure-là. L'heure où le Wildistrict était le plus animé... et le plus dangereux. Ici, tout était synonyme de trafic de drogues, d'armes, de prostituées et de meurtres. Pas d'autorités officielles, pas de lois, pas de gouvernement, le lieu était laissé pour zone morte et personne ne semblait s'en préoccuper. Cet endroit elle le connaissait par cœur; elle y vivait depuis 10 ans. Au début, ça avait été compliqué, une petite fille et un quartier comme celui-ci ça fait pas bon ménage. On rase les murs, on évite de se montrer, on parle pas beaucoup, en bref on tente de survivre. Mais Zuri s'était vite adaptée et elle s'était fait sa place. Elle vivait dans une petite maison - quatre murs fissurés et une porte à moitié défoncée- accompagné de ses deux acolytes, Zita et son copain Rob. Ces deux-là étaient les seules personnes fiables du quartier. Tout comme Zuri, ils avaient été livrés à eux-même à un jeune âge. Ils s'étaient tout de suite bien entendu et tout ce que voulaient les Trois c'était sortir de ce trou.

La jeune femme arpentait les façades des maisons délabrées, ses pas étant rythmés par le son de bouteilles qui cassent et de la musique électro provenant d'un bar non loin de là. Il faisait nuit noire et seules les néons de quelques enseignes présentes éclairaient les traits de son visage. Malgré ses vingt ans, les cernes bleutées postées sous ses yeux bleus et ses cicatrices apparentes lui en donnaient dix de plus. Elle sillonnait les allées vides, sous les regards pervers et les chuchotements obscènes d'hommes débraillés qui avaient l'âge d'être son père. Leurs rires gras résonnaient dans les rues et leurs yeux luisaient dans l'obscurité. Elle n'avait pas peur. Elle savait se défendre et le petit couteau dissimulé sous sa veste en cuire n'en disait pas moins. Nombreux avaient été les drogués et ivrognes qui espéraient la prendre pour objet sexuel et nombreux avaient été ceux qui en ressortaient avec quelques doigts en moins ou de grosses balafres en pleine face.

A un coin de rue, Zuri bifurqua sur la gauche et s'arrêta devant un pan de mur de plus de cinq mètres de haut. Elle était arrivée dans une impasse et tout autour d'elle se dressaient des blocs de pierre infranchissable à mains nues. Enfin. Elle scruta les environs pour voir si personne ne l'avait suivi et agrippa une petite échelle fixée sur sa gauche. Elle grimpa les quelques échelons et se hissa en haut du toit de la maison. La jeune femme se releva, essuya ses mains sur son jean et s'avança jusqu'au bord opposé de la plateforme. Il était déjà là, assis, les bras en arrière pour se maintenir sur les paumes. Ses cheveux bruns voletaient au gré du vent et il balançait ses jambes dans le vide.

-Salut beau gosse, déclara Zuri en s'asseyant à ses côtés.

Le jeune homme sursauta puis afficha un large sourire en l'apercevant. C'était Noah, son petit ami.

-J'ai cru que tu avais oublié notre petit rendez-vous habituel.

-Comment j'aur..

Il ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase et colla ses lèvres contre les siennes, une main sur sa joue. Zuri et lui se connaissaient depuis peu, trois mois, quatre tout au plus. Très vite, une relation de confiance s'était établie entre eux et ils semblaient vivre le parfait amour depuis. Lui vivait avec sa mère malade dans un petit appartement du quartier voisin, pas plus riche mais moins craignos. Ils avaient pour habitude de se retrouver tard le soir sur ce toit, pour observer les étoiles. Au loin s'étendait le Centre, regroupant les quartiers les plus riches et les mieux protégés de toute la ville. Les immenses tours de verre dominaient l'endroit et des centaines de points lumineux le décoraient: des phares de voitures, des bureaux éclairés et même des hologrammes publicitaires. Le Centre était aussi vivant qu'ici... à condition d'être vivant. Ce soir, ils se retrouvaient pour la première fois depuis plus de deux semaines.