1 - Exploration

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Le vent soufflait violemment sur le sol vitreux recouvert d'une fine couche de poussière radioactive. Une puissante explosion avait surchauffée la surface de ce monde sur plusieurs kilomètres, qui avait fondu avant de se solidifier uniformément. Cette catastrophe avait, en quelque sorte, rangé les environs de façon plus homogène, nettoyant proprement la planète de tout ce qui pouvait dépasser.

Une patte métallique se planta dans le sol, le fissurant anarchiquement autour du point d'impact, imposant une uniforme irrégularité à la roche. La poussière sursauta au choc suivant. L'assemblage d'alliages métalliques progressait avec rapidité là où ces concepteurs humains auraient maladroitement glissé.

Une pluie dense s'abattit soudain, alors que des débris de l'explosion passée commençaient à joncher le sol. La distance avec ce qui avait engendré la réaction thermonucléaire était plus grande ici. La chaleur n'avait donc pas été suffisante pour opérer son travail de lissage. Seule la lumière artificielle fournie par l'insecte mécanique permettait de distinguer des formes dans ces épaisses ténèbres. L'atmosphère chargée d'eau et de cendres n'aidait pas à la visibilité. Parmi les blocs rocheux propulsés jusqu'ici, se trouvait des lambeaux des structures où vivait la population locale, avant.

***

Aucun véhicule à roues n'aurait pu progresser dans ces décombres. Mais eux n'auraient pas choisi de se poser si loin de l'objectif. Mes supérieurs se plaisaient à appeler cela « une simple mesure de sécurité », mais je savais qu'ils étaient bien trop peureux et fiers pour s'abaisser à réaliser de telles missions sur le terrain. Aussi avait-il fallu que je sorte seul de ce vaisseau, mais aux commandes de la pointe technologique pour me déplacer sur ce monde désolé. Pas moins qu'un Insectoïde d'exploration, une tenue complète antiradiations et un des meilleurs matériels scientifiques de prélèvement.

D'après mes coordonnées, je n'étais plus très loin. J'espérais qu'ils ne s'étaient pas trompés d'emplacement. Ça leur arrivait souvent. Ça ne devait pas avoir d'importance à leurs yeux puisqu'ils ne se rendaient pas eux-mêmes sur les lieux. Attendre au chaud dans leur vaisseau n'était pas trop épuisant.

Je me trouvais enfin aux coordonnées précises indiquées, mais rien ne se dressait à l'horizon. Seul un monticule de débris un peu plus important reposait sur place. En scannant la zone, il apparut que le vaisseau recherché reposait à quelques mètres de profondeurs. Après avoir analysé plus en détail sa position, et la composition des roches dans lesquelles il se trouvait encastré, mon véhicule envoya plusieurs petites charges explosives pour dégager le terrain.

Les blocs si gênant volèrent en éclats, et quand je revins sur place, un vaisseau aux formes étranges se dressait au milieu du paysage dévasté. Lui ne semblait pas avoir souffert des effets de l'explosion de plusieurs mégatonnes, qui avait eu lieu voilà plusieurs mois. Face à ses dimensions hors normes, je passais pour une fourmi. Ses concepteurs n'étaient pas fainéants mais avaient d'étranges notions d'aérodynamisme ou de symétrie, puisque leur création ne respectait aucune des deux. Il avait une vague forme de U qu'on aurait laissé fondre au soleil. Ou dans un registre plus morbide, on pouvait le comparer à l'os d'une quelconque créature non répertoriée.

Je m'avançai vers une entrée située en son centre. Compte tenu de la largeur du passage, je pensais n'avoir aucun mal à circuler à l'intérieur. Cessant la contemplation de l'engin, je m'enfonçai dans les entrailles de cette bizarrerie extraterrestre.

***

L'insecte métallique, protégeant de son mieux son contenu organique, disparut à l'intérieur de l'ouverture. Celle-ci, moins artificielle que celles conçues par l'être humain faisait penser à un orifice d'être vivant. Des mécanismes biologiques y étaient peut-être pour quelque chose. En suivant cette créature mécanique qui s'engouffrait dans les boyaux de son hôte tel un parasite, la participation de la nature dans la conception de ce vaisseau semblait de plus en plus probable. Des côtes saillantes, jointes par une surface lisse d'apparence organique, se rejoignaient au sommet de la structure sur d'immenses vertèbres. Les parois légèrement translucides donnaient une impression de fragilité. Mais le véhicule humain ne laissait pas la moindre empreinte sur cette surface diaphane, bien plus dure qu'elle n'y paraissait.

***

J'étais surpris et assez mal à l'aise par ce que je voyais. Je me serais cru dans le ventre d'une baleine si je n'avais pas vu l'extérieur du vaisseau. Venait en plus s'ajouter à mon angoisse, l'inconfort de ma combinaison. La transpiration me causait d'affreuses démangeaisons. Mais impossible de se soulager en se grattant dans ces cocons antiradiations. Par réflexe, je ne pouvais m'en empêcher, et ma frustration s'intensifiait à chaque fois que mes mains se trouvaient bloquées à quelques centimètres de ma peau, implorant le moindre petit contact de mes ongles... Une combinaison digne de ce nom aurait dû posséder des grattoirs pour le dos de ses occupants. C'était diabolique d'enfermer des personnes là-dedans.

Une ouverture dans le sol me permit de me concentrer à nouveau sur mon exploration. Le tunnel vertical sur lequel elle débouchait semblait très profond. Comment les vrais passagers pouvaient-ils se déplacer correctement dans ce vaisseau. L'espace d'un instant, je m'imaginai une espèce intelligente recouverte de plumes et muni d'ailes aux commandes d'un tel engin, les fientes et les plumes auraient été un grand problème à bord...

Je secouai la tête pour reprendre mes esprits. Je n'avais pas de temps à consacrer à des pensées si stériles. Bien sanglé dans le véhicule insectoïde, j'entamai la descente le long de ce sombre boyau. J'osais à peine imaginer avec quelles difficultés je me serais déplacé avec les véhicules habituels munis de simples roues ou chenilles. Se déplacer à la verticale était déjà un obstacle de taille, mais il fallait également se retenir d'une probable chute sans pouvoir planter quoi que ce soit dans la matière impénétrable. Tel une araignée, mon véhicule intelligent devait poser ses membres en opposition sur les parois, désescaladant ainsi le boyau en variant ses appuis.

Après une longue progression, le corps pendant vers le fond du vaisseau, j'arrivai dans une vaste salle. Elle était située à des dizaines de mètres sous la surface du sol. Même si l'explosion avait réussi à pulvériser la partie en surface, je pense que cette cave aurait bénéficié de la protection due à sa profondeur et serait restée intacte. Ce quelle contenait était donc si important ? On m'avait envoyé, seul, chercher ces objets en formes d'œufs dans un vaisseau extraterrestre des plus étranges, mais il n'avait pas dû leur sembler utile de m'informer davantage. Plus j'y pensais et moins je sentais cette mission.

Les détecteurs ne ressentaient aucune vibration alentours, tout semblait gelé, figé. Les objets en forme d'œufs se tenaient devant moi sur des centaines de mètres. Entreposés là, ils semblaient n'attendre que moi pour les cueillir. Je sortis les bras mécaniques du véhicule et m'avançai prudemment des premiers œufs.

Le bip caractéristique du détecteur de vibration me fit sursauter. Je scrutai aussitôt l'immense salle, tournant la tête et les yeux dans de grands mouvements frénétiques, la peur m'empêchait de réagir calmement. Mais de quoi pouvait-on avoir peur ici ? Il n'y avait personne dans ce vaisseau abandonné depuis des siècles. Reprenant mon calme, je décidai de consulter les données du détecteur plutôt que de me fier à mes pauvres yeux pour savoir d'où venait cette vibration, qui n'était certainement pas plus que quelques pierres roulantes. Il faisait bien plus chaud ici qu'à la surface, cela devait créer des courants d'air. Le senseur indiquait une zone au fond de la salle, sûrement rien d'important.

J'ouvris le caisson de stase. Mes supérieurs prétendaient que les radiations à la surface pourraient altérer leur contenu. Mais après avoir passé tant de temps dans cette atmosphère âpre, aux températures et radiations peu enviables, ils devaient pouvoir endurer n'importe quel supplice de l'extérieur.

Je pris le premier œuf, je ne voulais pas rester beaucoup plus longtemps dans cet endroit si inquiétant. Je ne distinguais pas ce qui se trouvait dans ceux-ci à cause de leur teinte opaque. Ne perdant pas plus de temps inutilement, je remplis le caisson autant que je pus de ces étranges objets ovoïdes, puis le fermai avec une certaine satisfaction et un grand soulagement. J'allais pouvoir prendre le chemin du retour.

***

Des vibrations. Il se réveilla soudain d'un long et profond sommeil. L'activité semblait avoir repris en ce lieu depuis quelque temps, mais une trop longue attente en sommeil profond avait altéré ses sens. Une étrange créature s'était aventurée à ses dépens tout près du nid. Ses vibrations commençaient à diminuer. Elle s'en allait. Mais sa vitesse n'était pas suffisante pour distancer ce qui venait de s'éveiller. Attiré instinctivement par les vibrations décroissantes. Se rapprocher discrètement, rester tapi dans l'ombre, puis il passerait à l'action au moment propice.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 17, 2019 ⏰

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