La nuit laissait depuis longtemps son doux souffle apaisant bercer l'immense Cité de Belmanda, quand une ombre furtive s'y glissa.
La silhouette n'était pas bien grande. Gracieuse, elle se mouvait avec une démarche chaloupée parmi les rues vides dont le silence glorifiait chacun de ses petits pas d'oiseaux.
Son visage caché jetait des regards furtifs aux alentours, tandis qu'e l'ombre tournoyait dans la cité, allant à gauche, puis à droite, passant par des ponts glacés pour redescendre dans de sinistres coins sombres. Jamais elle ne s'arrêta, toujours en mouvement, toujours aux aguets, tandis que les flocons, paisibles éclats de neige, observaient son manège incessant avec bienveillance.
Enfin, l'étrange être nocturne s'arrêta devant une petite demeure modeste, y entra rapidement, et referma vite la porte derrière elle.
A l'abri, l'ombre enleva son lourd manteau de laine recouvert de neige et dévoila son visage. Ses yeux verts brillaient d'excitation tandis qu'elle se dirigea, sure d'elle, vers la petite porte du salon confortable qui y siégeait.
La jeune femme ouvrit la porte, et plongea dans la descente des escaliers qui y serpentaient dans l'ombre qui semblaient se renouveler à mesure qu'elle les descendait. Elle courra, encore et encore, ses lourds cheveux ondulés bondissant sur son dos, dans cette spirale gracieuse qui semblait l'emmener de plus en plus près des entrailles de la Sphère...
Subitement, sa course s'arrêta pour faire face à une autre porte au cadenas apparent. Avec calme, elle sortit une clé usée de sa poche, et ouvrit la mystérieuse pièce.
-Ah, Célia, te voilà ! Que la lumière de la vérité éclaire tes pensées ! s'exclama un vieil homme au regard étincelant et vif, qui la reconnaissant, la laissa passer.
-Et que tes pensées éclairent le monde, cher Arnold ! répondit Célia, complétant la formule du Cercle.
Comme à son habitude, Célia se coula avec grâce dans son espace chéri de liberté qui était la véritable raison de son départ en pleine nuit, de ses mille détours, de son excitation : la Bibliothèque de la Cité.
La bibliothèque de Belmanda n'était comme nulle autre pareille.
C'était un havre de paix, un monde hors du temps, où le savoir est roi et les livres font loi.
On y entrait par l'entrée principale à l'arcade dorée. Ou par la trappe du plafond. Ou par une fenêtre. Certains hardis s'amusaient même, comme Célia, à y entrer en traversant la petite demeure cachée en plein territoire contrôlé par le Régime.
On y entrait, et on y restait pour une heure, une journée, une nuit... Pour un instant qui dure où les problèmes nous fuient, et les solutions viennent.
Les mille passages secrets en faisaient un repère de choix pour tous les gens qui aimaient s'y cacher et réfléchir, le temps d'une lecture.
On ne distinguait ni le les murs aux reliefs changeants de la bibliothèque, ni le plafond: tout n'était que livres. Une lumière dorée l'éclairait de toute part en faisant briller ses étagères tour à tour curvilignes puis droites.
L'Echelle, en voyant Célia arriver une nouvelle fois, grogna en se déplaçant plus lentement que d'habitude, mais fut vite de bonne humeur lorsqu'elle s'aperçut que Célia avait apporté son produit préféré de cirage pour bois. Elles se connaissaient depuis si longtemps, toutes les deux...Célia s'était glissé dans la bibliothèque, sous les yeux émus de son père, dès qu'elle avait su aligner deux pas.
Les étagères sans fin regorgeaient de livres de toutes sortes.
Les nouveautés de Til s'étalaient de ci de là et leur reliure changeait de couleur en fonction de leur humeur. Les ouvrages d'histoire attendaient dans leur coin, leurs pages jaunies voletant paresseusement, pour rappeler à l'éventuel passeur de leur importance oubliée. Les manuscrits de mécanique se cachaient sur des étagères dont le bois était recouvert de schémas, que des mécanos avaient dû inscrire lorsque leur venait une idée révolutionnaire. Leurs livres produisaient de temps en temps des bruits de ferraille qui s'entrechoquaient lorsqu'ils se dégourdissaient les pages.
Mais les livres préférés de Célia étaient les vieux ouvrages poussiéreux qui se tenaient tout en fond de la bibliothèque, bien cachés derrière l'Arche du Savoir. La jeune femme glissa le long des étagères, s'arrêtant à quelques endroits précis, ayant l'air de savoir ce qu'elle faisait, avant de s'y arrêter.
Elle respira une fois, deux fois, trois fois, et ouvrir un livre à l'aspect vieux et écorné avec la plus grande délicatesse dont elle était capable.
Une lumière bleutée s'en échappa, et éclaira son visage.
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Flocons
CasualeVoilà qui réunit tous mes textes éparses écrits plus ou moins régulièrement, de manière plus ou moins belle, plus ou moins joyeuse, triste, énervée, féérique, réaliste Voilà qui réunit des éclats éphèmères de vie et d'imagination qui n'ont jamais tr...