Les excuses

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Je n'ai pas de raisons de me lever. Me mettre sur mes deux jambes, et commencer une activité. Le noir complet recouvre toujours la pièce, je suis un lion en cage, le moindre pas fait, et je sens déjà que les murs se resserrent autour de moi. Ils se rapprochent, ils sont de plus en plus proches, je vais terminer broyé. Mais rien n'arrive. Je suis toujours allongé sur le lit de fortune dur comme du marbre. J'essaie de regarder en hauteur, mais je ne vois rien. Il ne doit y avoir ni fenêtre, ni source lumineuse, juste le noir et rien d'autre. Je touche ma main de nouveau, la blessure me fait encore mal mais le pansement fait par mes nouveaux amis cicatrise la plaie.

Les journées sont longues, en tout cas, je ne sais pas quand elles commencent et quand elles terminent. Je ne peux qu'émettre des hypothèses. Par exemple, l'heure où j'entends se mettre en route la cafetière électrique, équivaut au petit matin. Ou encore des bruits de pas, surveillant chacune des serrures, ce doit être le soir, avant d'aller se coucher, cette vieille dame et son fils doivent surveiller toutes les entrées et les sorties possibles. C'est vrai, il est tellement simple pour moi d'organiser mon évasion. Je suis toujours accroché à mon matelas, nourris par une simple perfusion. Ma bouche se dessèche, des croûtes apparaissent sur mes lèvres et mes gencives. Je les sens exploser de temps à autre, elles libèrent du sang, un sale goût mais le seul liquide qui passe encore sur ma langue devenue râpeuse comme celle d'un chat. Les heures se ressemblent toutes, je dors en pleine après-midi, pense en pleine nuit. Je rêve d'une évasion spectaculaire, ou que les flics ne débarquent dans ce trou paumé, bute la folle et son gamin cinglé. Qu'ils me sortent de cet enfer. Des semaines doivent être écoulées depuis que je suis prisonnier, ma famille, Elsa ma petite amie, ils doivent tous se faire beaucoup de soucis. Je minimise en me disant que le temps peut paraître plus long ici, dans le noir complet.

La porte s'ouvre, et quelqu'un descend, il fait du bruit sur les marches recouvertes d'humidité. Je l'entends, ses pas flottent sur de petites flaques. Je me dis que mon heure est arrivée, enfin on abrège les souffrances du mourant en bas de chez soi. Je rêve même du paradis, pourtant je n'y ai jamais cru. En tout cas, je me persuade que tout serait mieux que cet endroit. Le bruit s'arrête et une petite lampe s'allume. Elle m'éblouit, mes yeux se ferment et cherchent du noir. La petite lumière portée par la lampe de poche me fait un mal de chien, elle provoque chez moi une migraine.

— Arrêtez la lumière, j'en peux plus !

L'homme qui est devant moi, de l'autre côté des barreaux rit débilement et nerveusement. Je suis assis sur mon lit de campement recroquevillé pour trouver un peu d'obscurité, moi qui rêvais de lumière c'est raté.

— Maman dit que je peux venir te parler, quand papa il est pas là. Tu t'appelles comment ? C'est une voix de gamin qui me parle, pas encore adolescent à l'entendre, il n'a pas encore mué. Ma réponse lui semble trop longue à arriver, et il agite sa lampe vers mon visage, pour que je souffre et lui réponde le plus vite possible.

— Timothée. Je m'appelle Timothée. Je tousse en même temps, voilà trop longtemps que je n'ai pas parlé.

— Tu veux qu'on soit ami ? Il vient de poser sa lampe par terre. La lumière ne m'éblouit plus, elle est plus diffuse.

— Pourquoi je deviendrai ton ami ? Je le regarde et lui parle, mais cherche son regard. Je ne vois qu'un grand garçon en salopette. En tout cas, trop grand par rapport à sa voix enfantine.

— Comme ça, je viendrai te parler quand maman me donnera l'autorisation. Il zozote légèrement au moment du dernier mot, et se reprend à deux fois pour bien le dire. Je pourrais, reprend-il, aussi te ramener des petits cadeaux, comme les copains se font entre eux quand ils sont grands. Tu as quel âge ?

— J'ai dix-neuf ans, lui dis-je. Et toi ?

— Waouh, tu es vieux comme garçon. Maman a dit que je devais pas donner mon âge aux gens qu'étaient pas mes amis. Tu veux être mon ami ?

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⏰ Last updated: Apr 20, 2019 ⏰

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