CHAPITRE 1

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PDV HARRY

Je ne voulais pas commencer à jouer, mais l'envie de me sentir supérieur m'avait rattrapé.

J'avais créé un jeu, assez salaud  je vous l'accorde,mais très divertissant.

Mon jeu consistait à rendre les filles folles amoureuses de moi en leur insinuant que, moi aussi, je les aimais.

Puis au bout d'un certain temps, quand elles me dévoilaient leurs sentiments, je leur annonçais que leur tentative de me séduire avait parfaitement échoué.

Là, je jouais avec Léa, une fille plutôt maladroite, qui paraissait plus âgée avec tout ce maquillage qu’elle pouvait mettre.Elle aurait été tellement plus jolie sans toute cette superficialité...

La partie avec Léa allait bientôt se terminer. Ses joues rouges écarlates à chaque fois que je la complimentais,ou encore son sourire niais dès que je m’approchais d’elle la trahissaient.

Elle m'avait demandé si nous pouvions nous voir après les cours. J’étais sûr que c’était le moment qu'elle avait choisi pour me dévoiler ses sentiments.La sonnerie retentit dans tout le lycée Jacques Prevert,nous rendant,à nous lycéens,notre liberté parfois encore bridée par nos parents. Je rangeai mes affaires avant de  partir vers le couloir, sans même attendre mon groupe d’amis habituel, pour être certain de ne pas être en retard au rendez-vous que Léa m’avait donné.La vitesse de mes pas s’accélérèrent jusqu’au moment où j’aperçus Léa assise sur un banc.

Je m’approchais encore un peu plus d’elle.Elle était désormais devant moi, avec ses joues rouges comme je m'y attendais, et ses mains tremblantes qui ne contrôlaient plus rien.Je sentais l’ambiance pesante.

Après de timides salutations, elle prit son courage et m'avoua tout.Sa déclaration ressemblait à une poésie qu'elle avait apprise par cœur. Elle décortiquait chacune de ses pensées sans faire de pause, comme si elle avait peur d’oublier quelque chose qu’elle s’était promise de me dire,prenant chacun de ses sentiments,beaucoup trop à cœur.

"Est-ce que tu acceptes de me donner ma chance ?"

Sa voix était prosaïque et ses yeux brillaient et possédaient une lueur d’espoir.Toutes les filles avec qui je jouais étaient si naïves...

Je ne laissais pas de place au silence, je lui répondis sur un ton ferme que ce n'était pas réciproque pour ne pas laisser dans sa tête, une miette d’espoir.Je ne pris même pas la peine de m'excuser, je partis, la laissant derrière moi, après avoir vu son si jolie visage s'assombrir. J'avais déjà vécu cette scène des dizaines de fois mais ce sentiment de supériorité qui m’avait poussé à vouloir détruire semblait toujours aussi intact malgré l’habitude.Ce jeu me faisait du bien, il me donnait  l'impression de pouvoir tout contrôler, avec la certitude de ne jamais devenir la victime de celui ci.

Après dix longues minutes de marche,j’arrivais chez moi,les pieds détruits par mes chaussures trop serrées.Mes parents adoptifs n'étaient pas là cette semaine,ils étaient partis visiter encore un de leurs villages perdus. J'étais libre.

Je me posai (le terme "affalé" aurait été plus approprié)sur le canapé et allumai la télé. Je pris mon téléphone pour appeler John,il était chargé de me donner le nom de la prochaine fille avec qui j’allais jouer.

-Je viens d'achever la partie avec Léa. Qui est la prochaine sur la liste ?

-Déjà ?!Elle est vraiment stupide ! Enfin bref ! Pour ta prochaine coéquipière, j'avais pensé à Anna Martel, je t'envoie son numéro et une photo d'elle.

J'avais hâte de pouvoir connaître cette fameuse Anna. Encore une qui allait tomber folle amoureuse de moi... Ça me faisait rire d'avance !

C’était bizarre comment ce jeu pouvait rythmer ma vie, à force,il était devenu une routine pour moi.

Je ne pouvais pas me lasser de ce jeu sordide !J’avais beau avoir dix huit ans,la maturité ne me caractérisait absolument pas.
Ce jeu venait peut-être d'une carence affective  née de l’abandon de mes parents et,même si mes parents adoptifs essayaient de les remplacer,ils avaient échoué. Ce qui m'amenait aujourd'hui à tuer des filles chaque jour, touchant à leur vision innocente de l’amour.L'espoir fait vivre, mais, quand on espère en amour,on meurt.
Toutes mes coéquipières de jeu en sont la preuve.
Je reçus la photo d’Anna, avec son numéro de téléphone, et je devais avouer qu’elle était assez jolie.Ses cheveux longs et ondulés entouraient son visage fin, à la différence de Léa. J’avais beau réfléchir,je crois que je n’avais jamais croisé cette fille au lycée,enfin je ne l’avais jamais remarqué. Cela prouvait à quel point je ne m’occupais pas des personnes qui m’entouraient.Peut-être à cause de mon égocentrisme.Mes doigts s’accordèrent pour écrire un premier message à Anna,confiants.C’était le début d’une nouvelle partie.

Moi : Salut ! C’est Harry.Bon d’accord on ne s’est jamais parlé mais il y a un début à tout, non ?

Je me levai de ce canapé qui commençait à m’aspirer,une sorte de métaphore des sables mouvant.Je pris mon sac de cours que j’avais jeté avec non chalance  pour réviser qui se résuma finalement par des "je le ferai plus tard" et des "ça, c'est pas important" .

Après cette « séance de révision »,je grignotais les biscuits qui traînaient sur le plan de travail.La sonnerie de mon téléphone retentit dans la pièce.J’espérais une réponse d’Anna mais ce n’était qu’un message de ma mère adoptive me demandant comment j’allais.Anna se faisait donc attendre...

Je ne savais pas, à ce moment là, que c’était le début d’une histoire beaucoup trop compliquée à gérer pour un garçon aussi immature que moi.

Le Briseur de Cœur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant