Vivre

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          Aurore contemplait Aube

          Aurore ressentait Aube.

          Et surtout, Aurore pouvait toucher Aube. C'était la première fois, et ses mains brûlaient de sentir enfin sa peau contre la sienne, ses doigts entremêlés aux siens. C'en était presque douloureux. Raidis par l'attente, tous ses nerfs s'étaient assemblés au point de contact, l'endroit d'où toutes les émotions partaient, et surtout, l'endroit où l'énergie d'Aube pénétrait Aurore.

          Pour la faire rayonner.

          Toujours plus fort.

          Aux yeux des humains, elle chatoyait, sa peau dorée était légèrement brillante sous le soleil, et incandescente sous la lune, comme une lame ardente grinçant dans la nuit. Mais pour Aube, qui voyait les volutes dorées remonter dans ses veines, virevolter sous sa peau dans une danse enflammée, Aurore vivait. Elle se matérialisait dans l'air gris et fade de la ville tandis que l'énergie de la jeune fille tournoyait en elle. 

          Aurore remonta sa main le long de son bras, doucement, alors que des picotements aigus se propageaient jusqu'à son propre coude. Elle avait envie de la serrer contre elle, jusqu'à s'asphyxier dans ses cheveux blancs, gavée par son énergie lunaire. Gavée de poison. Mais Aurore résistait à cette pulsion, elle préférait l'admirer, avant que le moment ne passe. Avant que la douleur ne revienne, parce que c'est ce qu'elle finissait toujours par faire.

          Alors, Aurore se perdit dans la lueur argentée des yeux d'Aube.

         Aurore la fixa jusqu'à ce que ses yeux la piquent, jusqu'à sentir les larmes poindre sous ses paupières sèches, mais elle ne cilla pas. Elle grava Aube sur sa rétine, pendant que celle-ci disparaissait sous ses yeux. Aurore le sentait. Aube retournait dans leur plaine, elle le voyait sur ses traits crispés, sa bouche tordue dans une grimace amère. Et Aurore regretta que ses souvenirs ne soient pas définitivement partis.

          Effacés durant une collision avec une voiture.

          Dissous pour toujours.

          Mais les souvenirs étaient leur punition pour avoir fui ce monde. Pour avoir fui l'endroit où elles habitaient. 

           L'endroit qui les avait créées, qui leur avait donné un rôle crucial. 

           Aurore vit Aube se consumer en se remémorant sa rencontre avec le soleil. Aurore pleura la rencontre de sa bien-aimée avec l'astre qui lui était si cher, à elle. L'astre qui autrefois la réconfortait d'une perte si douloureuse qu'elle lui trouait le cœur. 

           Puis Aube se ressaisit, et soudainement, Aurore fut davantage consciente de sa peau sous sa main, veloutée, diaphane mais qui ne retenait pas son empreinte, de son souffle contre son visage, de ses lèvres incarnat. Ses nerfs lui envoyaient de véritables décharges électriques dans tout le corps, à la limite de la douleur. Ses muscles bandés lui criaient de faire quelque chose, n'importe quoi pourvu qu'ils puissent se relâcher dans une étreinte si longuement attendue.

          Si désespérément voulue.

          Alors, Aurore se détendit.

AuroreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant