Les K.O

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J'ai passé tout l'après-midi en coaching. Il faut dire qu'on a 18 talents, ça prend du temps de tous les guider ou les corriger. Le dernier de la journée est Cyril. Il attend patiemment son tour, assis sur un des sièges destinés au public. Il me vient l'envie de lui faire un signe de tête pour lui dire de venir avant de me rappeller qu'il ne peut pas me voir. Va falloir que j'aille dormir, ça va être compliqué cette histoire. Je monte pour aller le chercher.

Moi : Coucou, ça va ?

Cyril : Tu m'as fait peur !

Moi : Ah bah c'est pas drôle sinon.

Cyril : Mouais... Sinon, oui, on peut dire que ça va, et toi?

Moi : Ça va, ça va. On y va ?

Cyril : Yep!

Il se lève, et je lui prend la main pour le guider, lui indiquant les marches et autres obstacles que nous rencontrons sur notre chemin. Ce que je trouve surprenant, c'est que malgré le fait qu'il ne voit rien, il a gardé cette habitude de regarder vers le sol, comme s'il voulait faire attention où il met les pieds.

Moi : Attention, il y a une grosse marche.

Il fronce les sourcils et lève sa jambe droite. Son pied butte dans la marche en question, et il doit s'y reprendre à trois fois avant de réussir à grimper. Une fois sur scène, il souffle un grand coup.

Cyril : Effectivement, une grosse marche...

Moi : Tu te débrouille bien.

Cyril : C'est pas comme si j'avais le choix...

Moi (gêné) : Hum... Tu vas chanter quoi ?

Cyril : Fragile  de Soprano.

Moi : C'est risqué, tout le monde a la chanson en tête...

Cyril : Ouais, justement. On va vite voir ce que je vaux vraiment.

Moi : Ah bah montre-nous !

Les musiciens commencent à jouer et lui à chanter.

Moi : Plus haut.

Il a une voix assez grave, ça ne colle pas forcément. Pourtant je sens qu'il peut monter plus.

Moi : Allez, monte !

Il essaie de se forcer, mais ce n'est pas un franc succès. Je demande aux musiciens de s'arrêter.

Moi : Monte plus ta voix et libère-la, prend ta place avant que quelqu'un d'autre ne la prenne.

Cyril : Mmmh... On y retourne ?

Après plusieurs essais, il commence à saisir le truc. Il n'y a plus qu'à espérer qu'il continue à travailler dans cette direction, et il nous en mettra plein les oreilles. Je m'approche de lui pour faire un bilan.

Moi : C'était mieux, il faut encore que tu améliore les mêmes points. Mais ça peut le faire, si tu te donnes à fond. Sinon je crois que c'est bon, on peut dire qu'on a fini.

Cyril : Merci.

Moi : Tu rentres comment ?

Cyril : Bah il faut que j'appelle ma mère...

Moi : Tu veux que je t'aide ?

Cyril : Je veux bien, s'il te plaît.

Il fouille dans sa poche et me tend son téléphone. Je cherche un peu et trouve le contact "Maman", que j'appelle. Elle me répond tout de suite, et m'indique qu'elle arrivera dans une vingtaine de minutes. Je raccroche.

Auditions à l'aveugleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant