Chapitre 1 - Scarlet

109 4 1
                                    

Las Vegas, mai 2017

J'étais un vampire... À la différence près que je ne suçais pas du sang, mais le pognon des clients. J'esquissai tout à coup une moue. Quoique, à presque cinq heures du matin, à l'approche de la fermeture, je doutais qu'il y ait encore beaucoup de fric à pomper !

Planquée derrière les épaisses tentures en velours rouge, je scrutai les derniers hommes présents dans la salle, les yeux injectés de sang et les paupières alourdies de sommeil. Ceux-ci avaient déjà presque dépensé tout leur argent en alcool et en filles, bien plus tôt. Résultat, je ne récolterai que des miettes de leur part. Heureusement que c'était mon dernier show !

Perchée sur mes échasses − semelles compensées et talons vertigineux −, les mains ancrées sur mes hanches, je fis mon entrée en scène lorsque les premières notes de la chanson remixée par le DJ retentirent.

[...]Je parvins près de la barre de pole dance, l'attrapai d'une main ferme et pivotai autour plus d'une fois, en entrouvrant ma bouche. J'introduisis le bout de mon index entre mes lèvres laquées de rouge, en ouvrant de grands yeux ronds, feignant l'innocence. Je savais que ce cocktail d'indécence et de candeur rendait fou la gent masculine. Tout comme la question directe contenue dans la chanson répétée par Christina Aguilera et ses trois copines, « Voulez-vous coucher avec moi (ce soir) ? »

Je tournai résolument le dos à la barre et relevai avec sensualité mes longs cheveux roux au sommet de mon crâne en ployant ma tête en arrière, avant de les laisser retomber souplement dans mon dos. Je frottai ensuite mes fesses nues, en creusant un peu plus le bas de mon dos, descendis et remontai à plusieurs reprises, le long de ce symbole phallique. Sans me presser.

[...]Chaque exhibition durait vingt minutes. À cet instant, il me restait encore seize minutes à tenir. Au-dessus de la cabine du DJ, un compte à rebours égrainait les secondes pour renseigner les danseuses du temps restant. Dans mon répertoire, j'avais mis au point une dizaine de chorégraphies, que j'exécutais avec de moins en moins de fougue, en fonction de l'avancée de la nuit. Je commençais doucement à l'ouverture, me démenais aux heures de pointe − entre minuit et quatre heures du matin −, et terminai éreintée, avant l'aube.

En ce moment, si mes pieds pouvaient parler, ils m'insulteraient après plus d'une vingtaine de passages cumulés entre cette scène et les tables des clients. Mes escarpins de quinze centimètres me faisaient un mal de chien et j'avais envie de hurler de douleur. Vivement que j'aille me coucher et surélever mes jambes lourdes ! J'avais l'impression qu'elles avaient doublé de volume depuis le début de la soirée.

[...]Je m'approchai enfin du rebord de la scène. Un homme sur ma droite lança un billet sur le podium et je me tournai dans sa direction. Je lui adressai un clin d'œil. En vérité, j'aurais bien été incapable de déterminer lequel m'avait jeté cet argent, étant donné que le jeu incessant des lumières plongeait régulièrement la fosse dans l'obscurité. L'important était de remercier le généreux donateur, même vaguement, sinon il pourrait se froisser. Sous couvert de l'amusement, ces hommes se rendaient dans un club de strip-tease pour exercer leur sentiment de domination grâce à l'argent qu'il prodiguait. Et pourquoi s'en priveraient-ils puisque les filles se battaient pour se soumettre ?

[...]Maintenant que j'avais délesté les hommes de leurs derniers dollars, je pouvais m'éloigner de la fosse. Je revins frotter ma poitrine nue contre la barre chromée, toujours en me cambrant. Le métal froid me procura un bien-être passager. Puis je roulai des hanches en descendant et en remontant, bouche entrouverte, tout en agitant ma longue chevelure. Un ultime coup d'œil à l'horloge numérique et j'eus envie de crier victoire. C'était fini ! Rideau pour ce soir. J'avais hâte d'aller tester le moelleux de mon matelas et être d'attaque tout à l'heure. Le vendredi était un des soirs les plus lucratifs de la semaine. Et ce serait une des dernières fois que je danserais.

Extrait - Pacte avec un Assassin (Dark romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant