L'oreille absolue

Chapitre 1

La musique retentit dans mes oreilles tandis que je me dirigeais vers le métro. C'était une musique douce et mélancolique, que je n'avais jamais entendue auparavant. Cependant, je percevais la musique de façon lointaine et entrecoupée. En réalité, je n'avais ni écouteurs, ni casque et personne aux alentours ne jouait de musique, plus particulièrement de piano. Depuis que j'étais petit, j'entendais de temps en temps le son d'un piano, parfois plus distinctement mais le plus souvent, de manière effacée. J'en avais déjà parlé à mes parents, nous étions allés voir de nombreux spécialistes mais aucun n'avait pu nous dire d'où cela venait et mes parents avaient décidé de laisser tomber, pensant par la suite que j'avais une imagination débordante. Je n'en avais jamais parlé à mes amis, ils ne comprendraient certainement pas et me prendraient pour un fou.

Le son du piano était vite recouvert par les bruits de la vie quotidienne comme les voitures, l'eau qui coule ou les mouches qui virevoltaient dans la cuisine autour des fruits. Mais aujourd'hui, c'était différent. Certes, le son était toujours aussi lointain mais c'était le style du pianiste qui était différent. Un style que l'on pouvait qualifier dans les premiers temps de basique mais qui regorgeait de beaucoup d'émotions. J'essayais de me concentrer sur le son pour ne pas le perdre et m'engouffrais dans la bouche de métro. La musique me parvenait toujours jusqu'au moment où la voix d'une jeune femme résonna dans tout le métro pour annoncer une perturbation sur la ligne 3 du métro. Lorsque l'annonce s'arrêta, la mélodie du piano avait disparu et avec elle, le pianiste au style si particulier. C'est attristé que je rentrais dans le train en direction de la librairie où je travaillais.

Lorsque j'arrivais à la librairie, il était 9h30 et Minhyuk, mon patron, était déjà présent. C'était un homme âgé de 32 ans, souriant et qui faisait attention aux gens autour de lui. Je ne comprenais d'ailleurs pas comment il pouvait être encore célibataire à son âge et vu son caractère facile et attentionné, il aurait déjà pu trouver quelqu'un s'il n'était pas aussi pris par la librairie.

« — Bonjour Chanyeol ! Comment vas-tu ? Tu n'as pas été ralenti par les perturbations de métro ce matin ? me lança-t-il joyeusement.

—Bonjour Minhyuk hyung ! Non pas vraiment mais... j'en connais deux qui vont être en retard ! pouffais-je. » J'avais failli dire qu'à cause du métro, ma bonne humeur s'était envolée mais je m'abstenais.

Il ria à ma remarque. En même temps, mes deux collègues, Solji et Dongwoo, étaient souvent en retard pour diverses raisons. Néanmoins, ils étaient efficaces au travail ce qui leur assurait de garder leur emploi. Solji était une jeune femme âgée de 27 ans et était une « femme libre »comme elle le disait et Dongwoo avait un an de plus qu'elle et vivait avec sa fiancée dans un petit appartement de Séoul. J'étais donc le petit jeune de la librairie et me faisais souvent taquiner par mes hyungs et par ma noona. Solji était la plus ancienne parmi les employés de la librairie. Minhyuk et elle étaient amis d'enfance et c'était donc tout naturellement qu'il l'avait contacté un jour en lui demandant si elle voulait bien lui donner un peu d'aide pour sa nouvelle librairie. Et depuis, elle n'était pas partie. Quant à Dongwoo, il était arrivé un mois avant moi et avait trouvé ce travail par pur hasard en passant devant la librairie, pendant que Minhyuk collait la fiche de proposition d'emploi.

Ce travail à la librairie me plaisait beaucoup, étant quelqu'un de plutôt littéraire et aimant lire, je convenais aux critères pour le poste que j'occupais. La librairie s'appelait Me & Books, pas très original comme nom mais malgré tout, elle attirait l'attention avec sa devanture vert sapin et sa vitrine remplie de livres divers et variés. C'est cet aspect chaleureux et intellectuel à la fois qui m'avait attiré dans cette librairie pour la première fois. Par la suite, j'y allais régulièrement jusqu'à ce que le patron me propose un job, que j'avais accepté.Le travail était bien payé, j'avais signé un CDI de 52h et avec l'argent que je mettais de côté, je m'étais acheté mon propre appartement. J'étais à une trentaine de minutes en transport de la librairie ce qui me permettait de ne pas rentrer trop tard et de rester plus longtemps au lit le matin comparé à mon ancien logement. Avant, je vivais avec Luhan, mon ami d'enfance dans un petit studio étudiant non loin de la fac. On s'entendait comme des frères lui et moi et bien que chacun de nous deux ait fait des études différentes, nous étions restés proches.