La crainte

Monsieur et Madame Désilles était un couple de petits bourgeois parisiens paraissants soudés et heureux. Ils n'avaient pas d'enfants et vivaient dans un petit appartement mais leur convenant à tout deux. Ils avaient récemment embauché deux domestiques qui accomplissaient les tâches les plus rudes. Entourés d'amis et appréciés, ce couple menait une vie paisible.

Cependant, Madame Désilles vivait constamment dans la peur. La crainte la tenaillait nuit et jour car elle était devenue la maîtresse d'un homme il y a quelques mois. Elle l'avait rencontré dans une guinguette et était immédiatement tombée amoureuse de ce charmant jeune homme.
Elle avait très peur d'être découverte et prenait toutes les précautions possible pour ne pas être vue.

Plusieurs fois elle avait fait cette dangereuse sortie et, plusieurs fois, ce frisson de remords s'emparait d'elle. Cet amant était ce qui la raccrochait à la vie, comme un oisillon s'attachait à son nid.

En vérité, elle n'était pas heureuse, même si son mari était doux et compréhensif avec elle. Elle ne l'avait jamais aimé et et sa famille l'avait forcée à l'épouser.
Mme Désilles dépérissait à vue d'œil et semblait avoir vieilli de plusieurs années.

Elle avait cru apercevoir un jour, dans la rue, lors de sa dernière visite chez son amant, son mari. Elle ignorait s'il l'avait vue ou pas.

Si c'était le cas et que son entourage l'apprenait, l'estime qu'ils avaient pour elle disparaîtrait et les quelques riches bourgeois qu'elle fréquentait ne voudraient plus entendre parler de Monsieur et Madame Désilles. Sa réputation était en jeu.

Elle n'arrivait plus à regarder son mari dans les yeux et l'évitait autant que possible. Elle fit alors un choix sage. Elle chargea sa bonne d'apporter un papier à son amant pour lui annoncer qu'elle ne pouvait plus le voir.

Quelques jours plus tard, alors qu'elle se promenait dans un parc, elle surprit son mari conversant avec une femme. Intriguée, elle s'approcha et découvrit que cette femme était sa meilleure amie de toujours, Madame De la source. Horrifiée, elle recula de plusieurs pas et rentra le plus rapidement possible chez elle.

Ainsi, son mari la trompait, de même qu'elle l'avait auparavant trompé. Mais lui, contrairement à elle, ne paraisait n'avoir aucun scrupule.

Obsédée par cette situation, elle tomba malade puis mourut quelques semaines plus tard, d'une maladie inconnue, disait-on.