Pieces

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Note : Teresa méritait d'avoir un OS à elle toute seule. Ce ne sera sûrement pas le dernier...

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Teresa n'avait jamais été quelqu'un de particulièrement sympathique.

Souvent cassante, à l'humeur changeante, toujours un petit sourire au coin des lèvres qui semblait dire je ne te supporte pas mais puisque tu me parles, je vais te faire l'honneur de mon attention. Elle se qualifiait elle-même de taciturne, préférant un silence reposant à une conversation pleine de babillages dont elle perdait le fil au bout de seulement quelques minutes.

Lors de son entrée à l'Institut, pour sa première année de droit, affirmer qu'elle ne craignait pas de se confronter à d'autres étudiants, de vivre avec eux sans aucune trêve ni répit, aurait été un mensonge. Lorsque sa mère l'avait laissée sur le perron, lui lançant un petit sourire encourageant, Teresa n'aurait pas souhaité être ailleurs que six pieds sous terre, plutôt que de devoir fournir cet horrible effort de sociabilisation qu'impliquait une rentrée scolaire.

Non, définitivement, Teresa n'avait jamais été quelqu'un de véritablement affable.

Aussi, lorsqu'un grand garçon brun, aux yeux rieurs et aux cheveux ébouriffés, était venu s'enquérir de son état alors qu'elle fumait en solitaire sur la terrasse, son premier réflexe avait été de l'envoyer paître. Oui, elle était en première année, non, elle ne souhaitait pas faire connaissance, et désolée mais j'ai des bagages à défaire.

Le brun lui avait envoyé un regard désarmé, qui l'avait faite grincer des dents, refoulant au plus profond d'elle-même le sentiment de culpabilité qui venait de la saisir à la gorge. C'était nouveau ça, pensait-elle en gravissant les volées de marches qui menaient jusqu'à sa chambre, les remords d'avoir mal répondu à quelqu'un.

Le ton acide et les remarques acerbes, c'était pourtant sa marque de fabrique.

Plus tard, assise sur son petit lit, contemplant d'un air morne les murs en pierre de sa nouvelle chambre, elle occulterait chaque détail de cette rencontre, refoulant avec soin ses regrets incongrus de ne pas avoir laissé sa chance à ce garçon beaucoup trop enjoué pour être fréquentable. Sa première rencontre à l'Institut, pas sa dernière mais de loin l'une des plus marquantes.

Mais ceci, elle n'en prendrait conscience que bien des mois plus tard.

De longs mois, au cours desquels elle fit la connaissance de nombreuses autres personnes, qu'elle apprécia autant qu'elle méprisa, avec qui elle monta les coups plus tordus et eut les discussions les plus enrichissantes de sa courte vie. Des semaines d'existence, qui s'écoulèrent comme un long fleuve tranquille, rythmées par les cours, les examens et les soirées auxquelles elle daignait parfois participer.

La seconde rencontre marquante de Teresa eut lieu sur la piste de course d'une école voisine, sur laquelle elle avait été traînée pour féliciter les membres des Blocards qui venaient de remporter pour la énième fois une compétition dont elle se moquait éperdument. Emportée par le mouvement de foule, Teresa avait violemment heurté une étudiante vêtue aux couleurs de l'Institut, qui l'avait attrapé par le poignet pour les extirper de cette masse grouillante d'élèves euphoriques. Elles s'étaient ensuite installées dans les gradins, à l'écart de la frénésie ambiante, et Teresa avait ainsi fait la connaissance d'Harriet, étudiante en sciences politiques, avec qui elle s'était immédiatement et d'une façon surprenante liée d'amitié.

Teresa avait toujours eu beaucoup de difficultés à s'entendre avec les filles de son âge mais Harriet possédait cette langue acérée et cet humour noir qui faisait défaut à la majorité de ses connaissances. Il n'en fallait pas plus pour que les deux adolescentes deviennent extrêmement proches, à défaut de se qualifier de meilleures amies.

L'insouciance des émotionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant