Chapitre 1

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La sonneriedu réveil m'annonce déjà une nouvelle journée sous le signe de lamonotonie.. Les rideaux oubliés la veille permettent au soleil etses rayons d'éclater dans ma chambre,lumineux. Pour autant, je nesuis pas enjouée à l'idée de devoir aller me faire conditionner aulycée. Je me prépare tout de même une tasse de thé pour meréveiller. Une déferlante de saveur m'envahit au contact duliquide. Explosion épicée offrant un semblant de détente dans levicieux chaos de la vie. Lavée et vêtue d'une robe bleue éclatante,je revêt un masque de fille heureuse, opposé à mon état d'esprit.

Aprèsquelques minutes d'attente, le bus approche enfin. Je repense àl'absence de mes parents tout à l'heure. Elle ne m'étonne plus. Ilspartent très tôt le matin et reviennent trop tard le soir pour queje puisse les apercevoir.

Aussitôtmontée j'apperçois Célia me faisant de grands signes.

« Coucoutoi, alors tes vacances ?

Lespremiers mots me venant à l'esprit évoquent la lenteur de celle-ci,sa monotonie ou encore la solitude mais le mensonge est bien plusaccessible que la vérité. Je ne m'étend pas plus qu'un « bien,merci » sur le sujet.

Sarah pourquoi une réponse si vague ? Je me doute que tu mens.

Je nerépond pas. Je sens son regard frustré parcourir mon visage etessayer de le décrypter. Je ne dirai rien, elle le sait et lafrustration de sa part est d'autant plus forte. Après un court etsilencieux trajet, le groupe d'ami de Célia nous encercle sitôtnotre descente du bus puis nous assaille de questions. Un sourirehypocrite marque mon visage de la même manière que le leur. Jerigole lorsqu'il faut mais ne suis que peu impliquée dans laconversation. Je prefère être spectatrice, rire jaune lorsqu'il lefaut. Personne n'a l'air sincère, derrière les sourires de cesjeunes lycéens, ne se cache que de la pitié lorsqu'ils meregardent.

-T'esmagnifique Sarah, ta robe te mets vraiment en valeur, me crie Océane

Je préfèrebaisser les yeux, et me triturer les mains que lui répondre, la gènem'envahit. Josh, le copain d'Alinéa nous propose de rejoindre laclasse. Je suis le groupe,peu motivée avec l'impression d'être unmouton. J'aurais préférée rester dans ma solitude plutôt quedevoir saluer hypocritement des gens avec qui je ne parle pasréellement.

La sonnerieme sort de ma transe. Tel un robot je rentre dans la classe, souritpauvrement au prof, puis me dirige vers ma place.

Hélas, mespaupières papillonnent,les cours de spécialité mathématiquesm'ennuient.

-Sarah, mescours ne sont pas des cours de sieste ou retournez en maternelle.Résolvez moi cette équation de droite pour me prouver que vousméritez votre place. »

Monapparence de jeune élève modèle ne fonctionne malheureusement pasavec ce professeur qui aime particulièrement me montrer mesdifficultés que ce soit en cours ou dans les bulletins. Si moncerveau était un classeur, l'intercalaire maths serait entièrementdésordonnée et il manquerait une partie des notions importantes.Néanmoins, je me dirige tout de même vers le tableau, attrapant aupassage le papier glissé par Célia à mon attention. Les réponsesy sont notées et me permettent une heure de retenue.



La lenteurdu cours de maths m'a paru être une vie entière. Malheureusement,cette heure est plutôt soporifique. La voix trop douce du professeura tendance à me bercer.

Le repasdu midi est encore plus long pour moi. Célia m'impose trèsrégulièrement de manger avec toute la classe alors que j'aiénormément de mal avec la sociabilisation. Comme à mon habitude,je me déconnecte de la réalité et garde un sourire de facade. Dèsle début d'année, le fait de se faire des amis m'importaient quepeu et je chérissais déjà ma solitude.

En tentantde maintenir mes défenses, je me suis fait prendre au piège. Rusée,Célia essaie d'escalader toutes les barrières pour pouvoir merejoindre. Les autres n'en font rien mais une me suffit.

Blé,escalope, ratatouille.Malgré ma haine envers le gaspillage, jelaisse le blé de côté.Je ne suis pas une poule ! Mes « potes »me jettent un regard interrogatif mais je ne dis rien. Cela ne sert àrien. Klara, l'une des filles attablées est super emballée par lesujet dont elle veut nous informer.

« Vousavez entendu parler les filles ? Apparemment un nouveau se joindraità nous d'ici vendredi... enfin vendredi il visite le lycée, ilintégrera la classe seulement lundi.

-Elannatrouvera peut-être enfin un mec supportant son mutisme.

Je mereconnecte à l'entente de mon prénom. Le regard que j'adresse àCiara lui fait immédiatement comprendre qu'elle n'aurait pas duprononcer ces mots.Elle ose me critiquer alors qu'elle n'a jamaispris la peine de me parler. Autrefois j'aurais répondu mais je nesuis plus la même. Je me lève abruptement, attrape mon sac et medirige avec fureur à l'extérieur sans prendre la peine dedébarrasser mon plateau.

Madestination est très claire : le bosquet d'arbres qui jouxtel'internat. Les arbres me servent de dossier et je m'assied au soltout en sortant mon stylo plume et le carnet tablette de chocolat queCélia m'a offert.

Depuis «l'événement » , les mots deviennent mon seul refuge, le seul etunique. Ils m'ont sauvée de la violence de notre monde, de laviolence quotidienne, de la violence de la société. Ils m'ontsauvée de moi même. Avec douceur puis frénésie, je couche lesmots sur le papier. Une voix m'interrompe :

-Excusemoi, hum tu saurais où est le bureau du proviseur ?

Surprisedans ma déferlante d'émotion, j'essuie brusquement mes joues et mesyeux. Je fourre mon carnet et mon stylo dans ma sacoche et enfindaigne lever les yeux vers l'inconnu. A cause du contre jour je ne levois pas mais sa silhouette se découpant dans la puissante lumièrelaisse présager qu'il est grand.

-Oh désolétu dois avoir mal aux yeux avec le soleil, en plus tu as les yeuxclairs, recommence le garçon.

Irritéepar le fait qu'il m'ait surprise et en colère contre moi-mêmed'avoir laissé les souvenirs m'envahir, je lui désigne d'un airdésabusée la direction sans rien ajouter. Le regard qu'il me lancetransmet un mélange d'indignation et de curiosité. Il n'avait pas àme déranger. Je sors mon portable même si habituellement je nel'utilise pas pour lui signifier la fin de la conversation. Ilcomprend enfin et part dans la direction désignée par moi-même. Jeressors mon carnet cette fois dans l'espoir de ne pas êtreinterrompue et écrit quelques mots qui plus tard deviendront untexte.



Au delà des mursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant