Satia et Lucas se retrouvèrent à suivre un domestique dans les larges couloirs du Palais Impérial. Les murs étaient sombres ; des cadres trônaient çà et là, des portraits qui alternaient avec des paysages bucoliques et des œuvres plus abstraites. Sur le sol, des tapis d'un rouge profond assourdissaient les pas. Ils tournèrent et tournèrent encore ; Satia se rendit compte qu'elle était complètement perdue ; elle espéra que le Messager avait prêté davantage attention qu'elle aux tours et détours de leur guide.
Elle ne savait même plus depuis combien de temps ils marchaient lorsque le domestique s'arrêta enfin.
–Voici vos appartements, Altesse, dit-il en s'inclinant.
Moins que pour l'empereur, certes, mais il s'inclinait quand même. C'était un premier pas.
–Merci, répondit-elle gracieusement.
La politesse ne coûtait pas grand-chose et pouvait se révéler précieuse par la suite. Le Messager lui ne s'embarrassa pas et ferma la porte au nez de leur guide.
–Ce n'était pas très gentil, ça, dit-elle doucement.
–Ce n'était pas important, répondit-il en s'avançant dans le petit salon qui servait d'antichambre.
Son regard expert s'attarda sur tous les recoins où aurait pu se cacher un assassin ; il déploya les lourds rideaux de velours derrière les fenêtres : ainsi, ils ne feraient plus des cibles faciles.
–Lucas, si l'empereur avait voulu nous tuer, il l'aurait déjà fait.
–Quelques précautions s'imposent malgré tout.
Satia soupira et pénétra dans la chambre proprement dite. Le lit imposant occupait une bonne partie de la pièce ; sur la gauche, une porte donnait sur une petite salle d'eau. En face, la deuxième chambre contenait un petit lit : elle se demanda si Lucas était considéré comme son serviteur, et si elle devait ou non corriger cette méprise.
Elle s'assit sur le lit qui s'enfonça de plusieurs centimètres. Enfin un peu de repos. Cette journée avait été chargée en émotions, et cette rencontre imprévue avec Dvorking avait manqué de faire voler en éclats le peu de contrôle qu'il lui restait.
–Tout va bien ? s'inquiéta Lucas en passant la tête par la porte.
–Oui, dit-elle avec un sourire. Juste un peu fatiguée. Et toi ?
–Ça ira, éluda-t-il à son habitude.
–Viens t'asseoir, proposa-t-elle en tapotant les couvertures près d'elle. Dis-moi ce que tu as pensé de l'empereur.
Le jeune Messager obéit et vint la rejoindre. Ils étaient dangereusement proches l'un de l'autre ; il ne devait pas se déconcentrer. Pas en territoire ennemi. Pas au cœur du Palais impérial.
–Dvorking est redoutable, dit-il enfin après avoir pris le temps d'arranger convenablement ses ailes.
–Je l'avais deviné sans peine.
–Je ne comprends pas trop à quoi il a joué ce soir. Mais il n'a pas joué qu'avec nous, cela est certain. Éric semblait lui aussi mal à l'aise dans ce rôle qui n'est pas le sien.
–Tu ne m'avais pas dit qu'il était ton frère, releva-t-elle.
–Tu m'excuseras de ne pas avoir divulgué l'un des plus grands secrets de la Seycam de Massilia, rétorqua-t-il.
Elle écarquilla les yeux.
–Alors ton père était au courant depuis le début ?
–Bien sûr. C'est lui qui a renié son fils ainé, après tout.
VOUS LISEZ
Les Douze Royaumes
FantasySatia est une jeune fille issue du Douzième Royaume. Elle étudie à l'Académie de Valyar, sur Sagitta, la plus prestigieuse de la Fédération. Là-bas, nul ne connait son passé. Elle dissimule soigneusement ses origines pour mener une vie ordinaire, ou...