Chapitre 73

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La nuit était tombée sur la capitale, et toujours pas de trace des deux hommes partis traquer l'Arköm.

La Souveraine avait fini par rejoindre ses appartements. Les Seigneurs avaient commencé à parler réformes et gouvernance avec l'Empereur, et elle sentait qu'elle n'avait plus sa place dans les débats. Dvorking lui avait promis un document paraphé pour le lendemain ; elle n'aurait plu qu'à détailler les points avec l'Assemblée sur Valyar. Une autre rencontre serait à fixer pour signer le document définitif. Le tout prendrait certainement quelques mois, mais elle était confiante. Le processus était engagé, et elle en était à l'initiative.

Elle aurait aimé pouvoir partager sa joie avec Lucas, mais le Messager n'était toujours pas là. Elle s'était alors retirée, désireuse de pouvoir se détendre un peu, de laisser de côté l'apparence de la Souveraine et de redevenir pour quelques heures la simple jeune fille de vingt-deux ans qu'elle était.

Satia fit couler un bain chaud et parfumé, avant de se déshabiller et de s'y plonger avec délices. Le parfum du santal lui rappelait la veille ; une soirée qui avait mal commencé mais s'était merveilleusement bien terminée.

Elle soupira. Lucas lui manquait. La Fédération lui manquait. Ses appartements sur Valyar lui manquaient. Il lui tardait de quitter l'Empire et de rentrer chez elle. La dernière réunion avec les Seigneurs s'était pourtant très bien passée, mais elle ne se sentait plus à sa place ici. Elle ne pouvait oublier qu'elle n'était pas venue ici de son plein gré, qu'elle avait été enlevée par l'Arköm pour servir au mieux ses intérêts...

Satia avait su retourner la situation à son avantage mais n'oubliait pas l'aide précieuse de Lucas. Il s'était écoulé des heures depuis son départ avec le Commandeur ; qu'est-ce qui les retenait ainsi ?

*****

Lucas a besoin de toi.

L'inquiétude de Séliak la fit bondir ; Satia glissa dans la baignoire, jura en se débattant avec sa serviette trempée. Elle s'était vraiment assoupie dans son bain ?

Que se passe-t-il ? réussit-elle à demander.

L'Arköm a réussi. Ils l'ont tué, mais il semble immortel.

Que dois-je faire ?

Elle était étrangement calme.

Demande du renfort à l'Empereur. Rends-toi sur place.

Je ne suis pas douée pour me battre, tu te souviens ? Je déteste ça.

Ta passivité aura des conséquences, cette fois, prévint Siléak. Décide-toi, mais décide-toi vite.

La jeune femme ravala sa salive. N'avait-elle pas dit qu'elle était prête à tout, dans les geôles de l'Arköm ? Elle avait menacé le Commandeur, l'Empereur lui-même ; elle avait participé au combat contre les Strators, même si son rôle avait été minime.

Aucun ne la terrifiait pourtant comme l'Arköm. Jamais elle ne pourrait oublier ce regard déshumanisé. Glaçant. Son impuissance.

Si tu n'y vas pas, il mourra.

Satia se rua dans la chambre, fouilla les placards, enfila un pantalon et une veste à la va-vite. Elle terminait les boutons en arrivant à la porte ; chercha la commande pour appeler quelqu'un. Un domestique, un serviteur, un esclave : n'importe qui.

L'attente ne fut que quelques minutes qui lui parurent insupportables.

–Je dois voir Dvorking ! Tout de suite !

–Mais... balbutia l'homme, terrifié, sans réussir à terminer son salut. Il est fort tard, je ne sais si...

–Je me moque de l'heure ! C'est une urgence ! Conduis-moi !

Les Douze RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant